Réalité des «sans papières» et femmes contre la guerre

Réalité des «sans papières» et femmes contre la guerre

Cette année, la solidarité des femmes s’exprimait envers les migrantes sans statut légal. Après une manif ensoleillée, cent personnes ont débattu de l’insupportable situation des femmes migrantes contraintes à la clandestinité et à ses dérives. Nous publions ci-contre l’appel d’une de leurs représentantes.


A Genève, aux associations féministes et groupes femmes des partis de gauche et syndicats s’étaient joints le Collectif de soutien aux sans papiers et le Centre de Contact Suisses-Immigrés pour organiser une belle manif pour «plus de droits et moins de barrières» pour toutes les femmes vivant en Suisse. Des femmes migrantes ont osé se montrer et s’exprimer, certaines pour la première fois.


Alors que la menace de guerre s’alourdit, la manif exprimait aussi son refus de celle-ci. «Toutes les guerres sont une défaite, pour toutes les femmes», ce slogan était scandé avec aussi «so/so/so, solidarité avec les femmes du monde entier».


Malgré la frénésie des milliers de gens venus le même jour, drapeau suisse à la main, célébrer la victoire nautique d’un milliardaire qui a pu se payer une technologie suisse et des coéquipiers néo-zélandais, il se peut que la prise de conscience des partipant-e-s au débat sur les migrantes prenne quand même une certaine dimension. Darlène Pfister du SIT, syndicat qui a réuni un millier de personnes sans statut légal pour une démarche collective, a clairement expliqué la situation des «sans papières» à Genève. Parmi les 6000 emplois «au noir» – évaluation toute relative – au moins 4000 sont occupés par des femmes. La plupart, originaires d’Amérique latine, d’Asie, d’Europe de l’Est et du Maghreb, sont cultivées, voire même universitaires. Elles ont fui les guerres civiles, la misère, leur condition de femmes victimes de violences, sexistes et sexuelles. Elles travaillent dans l’ombre, surtout dans l’économie domestique comme femmes de ménage, nettoyeuses, aides-soignantes au domicile de personnes âgées… et prostituées. Des secteurs d’activités où les conditions de travail ne sont pas conventionnées et les horaires n’existent pas. Elles sont isolées, donc exploitées et parfois violentées. Elles vivent dans la promiscuité, sous-louant des logements précaires à prix prohibitif. Fragilisées par des conditions insupportables, certaines d’entre elles sont atteintes dans leur santé et souffrent de dépressions et quelquefois de cancer et du sida.


Les employeurs exploitant ces femmes sont souvent des familles genevoises ordinaires, qui n’ont pas trouvé de place dans une crèche, ou une activité parascolaire pour leur enfant, ni de place dans un EMS pour leur parenté âgée, ou n’ont pas les moyens de payer décemment la personne qui les dépanne… Des réponses politiques et collectives s’imposent pour mettre fin à cette gigantesque exploitation.


Marie-Claire Kunz, du CSP, nous a présenté une carence du droit d’asile en Suisse: aucune persécution liée au sexe n’a encore été reconnue comme motif d’asile, elle reste subordonnée aux critères principaux de persécution de l’Etat pour des motifs politiques, religieux ou ethniques…


Pilar Ayuso, permanente du CCSI a aussi dénoncé une des causes peu connue de la clandestinité: le droit de séjour d’une étrangère ayant épousé un Suisse dépend de la solidité du lien conjugal. En cas de séparation avant 5 ans de mariage, l’épouse perd son statut et peut être expulsée. Certains ex-époux déçus n’hésitent pas à les dénoncer à l’office cantonal de la population!


Maryelle BUDRY et Anita CUENOD



Appel aux féministes

«Nous, femmes travailleuses sans statut légal, voulons exposer et mettre en évidence la situation précaire dans laquelle nous vivons. Nous n’allons pas raconter là nos expériences personnelles qui sans doute vous feraient pleurer. Nous allons néanmoins vous rappeler quelques situations vécues de façon quotidienne par une femme travailleuse sans statut légal.


Nous sommes victimes de la guerre, de la faim et de la misère dans laquelle nous ont plongé nos gouvernements, corrompus et dictatoriaux, souvent soutenus par les pays capitalistes. Ces mêmes gouvernements laissent transférer des fonds ou des richesses nationales dans les banques des pays oppresseurs, pays qui ont fait leurs richesses aux dépens du peuple.


Nous arrivons donc dans un pays inconnu, à la recherche de ce que l’on appellerait un paradis. Au lieu de cela, nous nous retrouvons sans habitation, sans personne pour nous orienter, sans travail et ne parlant pas la langue pour nous faire comprendre et nous défendre. Nous sommes rejetées par la société. Quand nous réussissons à trouver un emploi, nous sommes le plus souvent exploitées et humiliées, même parfois maltraitées physiquement et psychologiquement. La couverture sociale ou médicale est inexistante et les cas de harcèlement et abus sexuels sont fréquents. A tout cela s’ajoute la peur permanente d’une expulsion qui empêche toute dénonciation et qui fait que notre emploi devient une prison.


Face à cette situation, nous, les femmes travailleuses sans statut légal, établies en Suisse, ayant nos enfants scolarisés dans ce pays, payant nos propres assurances et intégrées dans la société, nous demandons à être soutenues dans toutes les actions que nous entreprenons, comme celle de nous manifester pour mettre fin aux expulsions. Nous persisterons à exercer une pression contre la politique d’immigration de la Suisse dont les réunions ne doivent pas avoir lieu dans des salles fermées. Nos problèmes doivent être mis en évidence (sur la place publique) et sortir dans la rue. Nous voulons ainsi faire appel à la conscience populaire pour pouvoir mener une vie digne et pouvoir obtenir une situation légale en Suisse.»


Groupe de travail des femmes du Collectif des travailleuses-eurs sans statut légal de Genève