Les gouvernements organisent la catastrophe

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) va publier ces prochains jours un nouveau rapport. Celui-ci vise à évaluer l’impact d’un réchauffement de l’atmosphère de 1,5 °C, alors que la plupart des gouvernements tablent déjà sur un réchauffement de 2 °C.

Comme le basculement climatique arrive en réalité plus vite et plus fort que prévu dans les projections virtuelles, leur idée serait de dépasser une augmentation de température de 1,5 °C puis, à la fin du siècle, de refroidir la planète grâce aux technologies mises au point entre-temps.

Pourtant, le rapport du GIEC montre une grande différence d’impact entre 1,5° C et 2° C de réchauffement. Il tente de l’évaluer en termes de nombre de personnes touchées par les inondations ou les sécheresses graves. Ainsi, il estime qu’en 2100, le nombre de victimes de ces phénomènes serait de 450 millions en cas d’augmentation de la température de 1,5 °C et de 780 millions en cas d’augmentation de 2°C.

Nous nous sommes entretenus avec Daniel Tanuro au sujet du dernier rapport du GIEC portant sur le réchauffement climatique. Transcription libre de la rédaction.


Lutte contre le déboisement de la forêt de Hambach par l’entreprise énergétique RWE qui veut y extraire du charbon, octobre 2018 – Enrique Montero

Quels seront, selon toi, les apports du rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) publié prochainement sur les conséquences d’un réchauffement de 1,5°?

Lors de la COP21, en 2015, les divers gouvernements ont adopté des résolutions visant à ne pas dépasser le niveau de dangerosité défini en 1992 à Rio. Il s’agit de contenir la hausse des températures en-deçà de 2°C et de s’efforcer de la limiter à 1,5°C.

Les gouvernements tablent sur les progrès scientifiques en matière d’ingénierie, pour échapper au réchauffement, pourtant chacun d’eux fait le même constat: le basculement climatique arrive en réalité plus vite et plus fort que prévu dans les projections virtuelles. Tabler sur un réchauffement de moins de 1,5°C n’étant pas possible, l’idée serait de dépasser une augmentation de température de 1,5° C puis, à la fin du siècle, de refroidir la planète grâce aux technologies mises au point entre temps.

Cela étant, le rapport du GIEC montre une grande différence d’impact entre 1.5°C et 2°C de réchauffement. Il tente de l’évaluer en termes de nombre de personnes touchées par les inondations ou les sécheresses graves. Ainsi, il estime qu’en 2100, le nombre de victimes de ces phénomènes serait de 450 millions en cas d’augmentation de la température de 1.5°C et de 780 millions en cas d’augmentation de 2°C. Les régions les plus touchées seraient l’Asie du sud, du sud-est et le Brésil, ainsi que l’Afrique du sud-est, notamment pour les sécheresses. Cependant, une certaine prudence s’impose surtout s’agissant du nombre de victimes, car il faudrait également prendre en compte les facteurs sociaux et culturels. Reste que l’impact sur la biodiversité d’une augmentation de 1.5°C est déjà massif.

Il y a donc une ambiguïté dans l’objectif visé (1.5°C ou 2°C), qui de toute façon ne pourra être atteint sans mesures contraignantes et sans des stratégies pour réagir au fait que les gouvernements n’ont rien mis en place depuis le protocole de Kyoto en 2002. Ils sont maintenant au pied du mur alors que l’humanité est au bord du gouffre et a peut-être même déjà commencé à glisser dedans.

Quelles sont les mesures que les gouvernements envisagent? On a beaucoup parlé de « fausses solutions », notamment les solutions technologiques d’émissions négatives…

Les gouvernements tablent toujours sur la géo-ingénierie. Par exemple, l’envoi de particules dans la stratosphère, afin qu’elles réfléchissent le rayonnement solaire ou le retrait de carbone de l’atmosphère. Ce type de méthodes suscite la méfiance de l’opinion publique, qui en perçoit les dangers. L’idée de retirer le carbone de l’atmosphère est un moyen pour le capitalisme de continuer ses projets scientifiques absurdes, par exemple ensemencer l’océan avec de la chaux pour fixer le dioxyde de carbone, projet dont les conséquences ne sont pas connues et qui nécessiterait un nombre de bateaux supérieur à la flotte mondiale actuelle.

Une révolution est obligatoire pour placer les recherches climatiques acceptables au premier plan, en leur donnant des moyens importants. Ainsi, devraient être encouragés la photosynthèse et l’éco-agriculture paysanne. Or, le capitalisme ne va pas dans cette direction, puisqu’il préconise de maintenir une logique productiviste et de croissance, afin de permettre de poursuivre l’accumulation de capital.

Quelles solutions proposes-tu?

Je propose une stratégie en 4 volets:

  1. Considérer que la catastrophe est déjà là et qu’il convient de la limiter. Il est trop tard pour être pessimiste.
  2. Il y a un fossé entre des mesures drastiques nécessaires et le recul de la conscience anticapitaliste. Il faut travailler à la convergence des luttes et à une propagande anticapitaliste de masse.
  3. Éviter que l’avant-garde la plus radicale en matière d’écologie, qui a un rôle-clé à jouer, ne soit isolée et criminalisée. On a vu à Sievens ou actuellement à Hambach en Allemagne qu’elle est la cible d’une répression violente, car ses actions mènent à un éveil des consciences. Il convient de construire un mouvement plus large autour de cette avant-garde.
  4. L’idée de transition est maintenant fortement ancrée. Nous devons lier l’exigence de la justice sociale et de la justice climatique.

Un dernier mot sur les fatalistes qui disent que l’effondrement est inévitable et qu’il faut l’accepter avec sérénité, voire d’ores et déjà préparer la période post effondrement. Je ne suis pas d’accord avec ce fatalisme résigné. Il faut miser sur un sursaut des consciences!

Propos recueillis pour solidaritéS par Délphine Rumpczyk et Sébastien Bertrand