Une réforme déséquilibrée

Le gouvernement fribourgeois au complet présentait le 2 juillet son projet de réforme de la fiscalité des entreprises. Le menu, truffé de recettes patronales, est totalement indigeste pour la population.

Le Conseil d’État mise sur une baisse phénoménale des taux d’imposition: il divise l’impôt sur le bénéfice par deux et celui sur le capital par trois. Il reprend ainsi l’essentiel des revendications patronales et ménage les sociétés à statuts spéciaux qui profitent depuis des dizaines d’années de taux d’imposition ridicules.

Les entreprises décident

Depuis de nombreuses années, les entreprises obtiennent régulièrement des réductions de l’imposition des bénéfices. Le taux cantonal est passé de 13,5% à 8,5% au fil des révisions. Le gouvernement s’appuie aujourd’hui sur l’abolition des statuts spéciaux pour proposer une baisse massive de 8,5% à 4% d’un seul coup. Cela produit le taux effectif global (confédération, canton, commune) de 13,72%.

Le ministre des finances, Georges Godel, l’avoue sans détours: «Je rencontre moi-même les entreprises concernées pour voir jusqu’où on peut tirer la corde». L’État demande donc aux spécialistes de l’optimisation fiscale quel taux d’imposition leur paraît supportable! Godel en rajoute une couche: «Je peux vous assurer que les entreprises que nous contactons sont fières du gouvernement fribourgeois».

Des pertes énormes

Le gouvernement ne s’inquiète pas des pertes entraînées par sa réforme. On le sait, la politique des caisses vides lui est très utile: pour privatiser le service public, pour réduire les prestations à la population, pour dégrader les conditions de travail. Les mesures fiscales occasionnent, selon les chiffres du gouvernement, une perte d’environ 40 millions par année. S’ajoutent à cela 80 millions découlant de la nouvelle péréquation fédérale des ressources. La suppression des statuts spéciaux, qui représentent 70% des bénéfices déclarés, augmente le potentiel de ressources du canton. La Confédération a certes prévu des montants compensatoires pour amortir le choc, mais ils ne seront versés que pendant les 7 premières années. La réforme proposée est donc fortement déséquilibrée.

Préparer notre campagne

Le gouvernement se hâte lentement. Il supprime la procédure de consultation (habituelle pour une révision de cette ampleur) pour gagner du temps. Mais il attend le mois d’octobre pour adopter son message, une fois connu le contenu de la réforme fédérale. Le parlement se prononcera vraisemblablement en décembre.

Nous avons donc quelques mois pour préparer notre campagne: développer nos propositions pour une réforme équilibrée, élargir la coalition contre le projet du gouvernement, convaincre la majorité de la population.

Pierre-André Charrière