Interdiction de la burqa à Saint-Gall

Interdiction de la burqa à Saint-Gall : Une bataille référendaire nécessaire

Depuis l’interdiction des minarets en Suisse en 2009, la pression islamophobe n’a pas cessé, nourrie par plusieurs initiatives cantonales et fédérales. Une certaine résistance à cette politique se fait toutefois jour, illustrée à Genève par les quatre référendums déposés contre la prétendue Loi sur la laïcité. À l’autre bout du pays, à Saint-Gall, un référendum contre l’interdiction de la burqa a abouti. Nous nous sommes entretenus avec l’un de ses initiateurs, Manolito Steffen, coprésident des Jeunes Verts de Saint-Gall.


En Autriche, une loi similaire a été tournée en dérision sur les réseaux sociaux. – Peut_porter

Peux-tu rappeler le contexte des propositions d’interdiction du port de la burqa dans l’espace public en Suisse? – depuis l’initiative fédérale du Comité d’Egerkingen, portée par le conseiller national UDC Walter Wobmann, qui devrait être soumise au vote populaire l’année prochaine, jusqu’aux propositions cantonales sur ce même thème, acceptées au Tessin et rejetées à Zurich, Soleure ou Glaris.

Je ne me souviens d’aucun motif rationnel ou d’événement déclencheur parce qu’il n’en existe tout simplement pas. L’UDC a construit elle-même ce problème à travers ses insinuations populistes.

En 2009, le Conseil fédéral évaluait au maximum à 130 personnes les porteuses de burqa ou de niqab. Par cette initiative, l’UDC cherche à attiser la peur et la haine et en a fait l’un de ses thèmes principaux pour les élections fédérales de 2019. Le Comité d’Egerkingen, autour du conseiller national UDC Walter Wobmann, s’est regroupé à partir de préoccupations de politique partisane et afin d’attirer l’attention, exactement comme les initiant·e·s dans les cantons concernés. Cette politique qui s’en prend à des symboles est dangereuse et déconnectée de la réalité. Elle doit être combattue.

Fin novembre 2017, à l’initiative de l’UDC et du PDC, Saint-Gall a été le second canton suisse, après le Tessin, à interdire le port de la burqa dans l’espace public. Quelles ont été les positions des principales forces politiques sur cet objet? Et les réactions des autorités religieuses?

Les parlementaires de l’UDC et du PDC ont majoritairement soutenu la loi, mais il y a eu des opposant·e·s au sein des deux partis. Les Verts, le PS, le PLR et les Verts libéraux ont rejeté la loi.

Finalement, la loi a été acceptée d’un rien, par 57 voix contre 55 et les opposant·e·s ont renoncé à soumettre au référendum cette décision du Grand Conseil. Dans les milieux islamiques, il n’y a pas eu beaucoup de réactions, bien que la décision du législatif cantonal ait été condamnée.

Comment a été décidé le lancement du référendum par un front de la jeunesse, comprenant les Jeunesses socialistes, les Jeunes Verts et les Jeunes Verts libéraux? Sur la base de quels arguments avez-vous récolté ces signatures dans la rue?

Pour nous, il était évident que nous ne pouvions accepter cette loi et qu’une votation populaire était nécessaire. Avant même la fin des délibérations au Grand Conseil, les Jeunes Verts ont menacé de recourir au référendum. Lorsque le résultat définitif est tombé, nous avons contacté les autres organisations politiques de jeunesse; rapidement, une alliance des Jeunes Verts, des Jusos [Jeunesse socialiste, réd.] et des Jeunes Verts libéraux s’est formée.

La collecte des signatures a connu beaucoup de hauts et de bas et nous avons plusieurs fois pensé que nous n’y arriverions pas. Avec conviction et beaucoup de combativité, nous avons lutté pour chaque signature, sous des trombes d’eau ou dans un froid glacial. Cela nous a tous soudés, bien au-delà des rangs de chaque mouvement. Ce fut une collaboration très sympathique, dynamique et productive; j’ai pu ainsi nouer de nombreuses nouvelles amitiés.

La récolte de plus de 4200 signatures en 40 jours est une performance pour un canton à dominante conservatrice dans lequel l’UDC recueille 36% des suffrages. Comment la population a-t-elle réagi à votre référendum?

Effectivement, la barre pour un référendum est placée assez haut dans le canton de Saint-Gall. Durant la dernière décennie, seuls six référendums ont abouti dans le canton. La population a réagi de manière clivée, mais nous avons eu de très bons échos lors de la récolte dans la rue.

Ce sont surtout les électeurs et les électrices des Verts et du PS qui étaient déçus par l’absence de soumission de la loi au référendum par le Grand Conseil. Pendant la récolte toutefois, à plusieurs reprises, nous avons été injuriés, voire menacés. Mais quoi qu’il en soit, il y a maintenant 4221 Saint-Gallois et Saint-Galloises qui soutiennent notre référendum et nous sommes persuadés qu’il y en aura encore plus. Notre objectif est clair: nous voulons gagner la votation et cela le plus nettement possible!

Quand aura lieu la votation populaire? De quels soutiens pourrez-vous disposer? Comment pensez-vous mener campagne?

La votation aura lieu le 23 septembre. Nous nous trouvons déjà en pleine organisation de la campagne et nous tablons sur un large soutien. De nombreuses démarches sont encore en cours et je ne peux en dire beaucoup plus. Ce qui est sûr, c’est que notre parti adulte nous soutiendra et, qu’en outre, le PLR pourrait aussi nous rejoindre. Les promoteurs et les promotrices de la loi peuvent s’attendre à une campagne animée, provocatrice et victorieuse.

Traduction: Daniel Süri