Votations

Votations : La souveraineté alimentaire, un impératif

L’initiative pour la souveraineté alimentaire sera soumise au vote le 23 septembre prochain. Elle ne résout pas tous les problèmes, mais elle offre un cadre contraignant à l’agriculture capitaliste, qui ne peut être que bénéfique pour les paysan·ne·s, les consommateurs et consommatrices, ainsi pour que nos écosystèmes.


Leif Salitter

En 1996, en marge du sommet de l’Organisation mondiale pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), l’association paysanne altermondialiste Via Campesina mettait en valeur la notion de «souveraineté alimentaire». Cette notion renvoie au droit pour chaque population de définir sa propre politique agricole et alimentaire, pour autant que celle-ci ne porte pas préjudice à une autre population. En Suisse, le syndicat Uniterre – avec le soutien de solidaritéS notamment – est parvenu à faire aboutir une initiative pour la souveraineté alimentaire qui sera soumise au vote le 23 septembre prochain.

Cette initiative ne résout pas tous les problèmes, mais elle vise à libérer l’agriculture et l’alimentation de nombreuses conséquences du capitalisme contemporain.

Limiter la concentration agricole

Depuis 1990, les exploitations agricoles suisses disparaissent les unes après les autres. Ce sont précisément 45 % des exploitations qui ont disparu. Mais alors que le nombre d’exploitations de moins de 25 ha est en baisse constante, celui des exploitations de plus de 50 ha a triplé. Cette situation est le résultat direct de la libéralisation du marché agricole mise en œuvre depuis 30 ans en Suisse, qui favorise les grosses exploitations au détriment des petites. Conséquences: la nourriture se standardise et les petits producteurs n’arrivent plus à vivre dignement de leur travail.

Contre cela, l’initiative d’Uniterre impose à la Confédération de prendre des mesures efficaces pour augmenter le nombre d’actifs dans l’agriculture, favoriser la diversité des structures agricoles et préserver les surfaces cultivables de l’urbanisation.

Libérer l’agriculture de l’agrobusiness

Autre problème majeur de l’agriculture contemporaine: sa soumission aux lois de l’agrobusiness.

En amont de la production, les grands semenciers et firmes agrochimiques – qui se confondent parfois, comme dans le cas de Monsanto-Bayer – décident des semences qui peuvent être plantées, en empêchant par exemple la réutilisation des semences produites, pourtant la base de toute agriculture. Contre cela, l’initiative garantit «le droit à l’utilisation, à la multiplication, à l’échange et à la commercialisation des semences par les paysans».

La dépendance aux semenciers est accentuée dans le cas des organismes génétiquement modifiés (OGM), lorsque les mêmes firmes vendent à la fois des semences OGM et des pesticides prétendument adaptés à ces semences, au détriment de la qualité des sols, des eaux et des produits. Les OGM n’ont montré nulle part leur efficacité pour l’accès à l’alimentation. En revanche, ils ont montré leur capacité à accroître la dépendance paysanne, comme on le voit pour l’agriculture du coton au Burkina Faso. L’initiative d’Uniterre proscrit définitivement les OGM et les recombinaisons non naturelles du génome.

En aval de la production, les paysan·ne·s sont soumis au bon vouloir du «libre marché» pour la fixation des prix. C’est en réalité au bon vouloir des producteurs d’alimentation transformée et des chaînes de supermarché qu’ils et elles sont soumis. Ces 20 dernières années, les prix payés aux productrices et producteurs ont baissé de 31 % alors qu’ils ont augmenté de 12 % à la consommation! L’initiative demande à ce que la fixation des prix se fasse en tenant compte des besoins des paysan·ne·s et de la population, ce qui suppose la création d’organisations paysannes et la transparence dans la détermination des prix. L’objectif est aussi de renforcer les échanges directs entre paysan·ne·s et consommateurs·trices.

Pour une politique agricole internationale solidaire et équitable

La Suisse importe massivement des fruits et des légumes. Elle est aussi de plus en plus dépendante d’autres pays pour nourrir son bétail. Avec pour conséquence le fait que des pays comme le Brésil produisent du soja ou du maïs pour nourrir du bétail suisse, au détriment de la production vivrière locale et suisse. Sans compter l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre qu’entraîne le commerce longue distance.

Pour lutter contre cela, l’initiative donne la priorité à l’alimentation indigène, ce qui passe par exemple par la régulation des importations et le prélèvement de droits de douane. Même si on peut regretter que la question de la diminution de l’alimentation carnée ne soit pas abordée, l’initiative combattra l’importation de produits ne répondant pas aux normes sociales et environnementales en vigueur en Suisse, ceci afin d’éviter une concurrence déloyale.

Enfin, résolument solidaire, l’initiative interdit les subventions à l’exportation en matière agricole et alimentaire afin de respecter la souveraineté alimentaire des peuples du monde.

Parce qu’elle vise à rendre saine et diversifiée la nourriture, parce qu’elle cherche à protéger les travailleurs et travailleuses agricoles de la prédation capitaliste, parce qu’elle est internationaliste et défend l’environnement, solidaritéS soutient l’initiative pour la souveraineté alimentaire!

Maïeul Rouquette