En guerre contre la loi du marché

Trois ans après La loi du marché, le réalisateur Stéphane Brizé et l’acteur Vincent Lindon reviennent à Cannes avec En guerre. Un film coup de poing à la Ken Loach: engagé, rageur, au cœur de la lutte et d’une brûlante actualité.

Le film de Brizé plonge le public au cœur d’une mobilisation de salarié·e·s en lutte contre leur direction, qui souhaite délocaliser leur usine d’équipement automobile. Malgré un bénéfice record réalisé grâce à de lourds sacrifices financiers de la part des salarié·e·s, la direction décide de bafouer l’accord et de fermer le site d’Agen (sud-ouest de la France). Emmenés par un porte‑parole syndical combatif, les 1100 salarié·e·s de l’usine se mettent en grève et occupent l’usine pour sauver leurs emplois.

On est ainsi confronté aux négociations syndicales avec les représentants patronaux et les autorités politiques (censées arbitrer le conflit) mais également immergé dans les âpres confrontations entre salarié·e·s, qui finissent par se diviser. Certain·e·s veulent lutter pour maintenir le travail sur le site, pendant que d’autres se résignent et, face à la peur de tout perdre, finissent par se laisser séduire par l’option d’arrêter la grève pour obtenir de meilleures indemnités de licenciement.

Face à un collectif déchiré, les patrons savent, eux, rester unis dès lors qu’il s’agit de mater la résistance, et attisent les divisions pour briser les grévistes. Une piqûre de rappel sur la nécessité d’être toujours au côté des salarié·e·s lors des mobilisations, car on est rapidement confronté à l’isolement dans la lutte.

A Agen, on ne compte pas un parti politique pour porter la lutte, pas un·e élu·e solidaire, la population locale reste en retrait, sans parler d’une presse à la botte du patronat, saisissant toutes les occasions pour affaiblir la lutte des salarié·e·s.

Le film dévoile la violence engendrée par le système capitaliste et la colère légitime des salarié•e•s face à la dictature du capital et au rouleau compresseur néolibéral. La loi du marché et la mondialisation broient des vies humaines en supprimant des emplois pour augmenter les dividendes de quelques actionnaires.

Cette fiction brûlante d’actualité nous rappelle le déséquilibre des confrontations actuelles, mais aussi que seules les luttes collectives peuvent faire évoluer les rapports de force. Dès les premiers signes de défaite, la résignation et la peur deviennent vite la principale menace pour nos luttes. Les dominants le savent bien, en témoignent les propos du Premier ministre français Edouard Philippe: «Je compte sur les égoïsmes individuels pour tuer la mobilisation (des cheminots) dans l’œuf».

Jorge Lemos