Brésil

Brésil : La guerre aux pauvres bat son plein

Le 7 avril, l’ancien président Lula était incarcéré. Moins d’un mois avant survenait l’exécution de Marielle Franco. À quelques mois de l’élection présidentielle d’octobre, les deux événements s’inscrivent dans une impitoyable guerre aux pauvres.

Alors que, comme présidente, Dilma Roussef avait encouragé le développement de l’opération anti-corruption Lava Jato (tuyau d’arrosage), elle en aura été la victime illustre. Aucune preuve de corruption n’a pu être établie contre elle mais, grâce à l’achat des voix d’une partie des parlementaires, une pratique absolument légale au Brésil, son vice-président Michel Temer a pu l’évincer et prendre sa place en août 2016.

Coup d’État parlementaire

Après ce coup d’État parlementaire, le nouveau gouvernement, composé aux deux-tiers de ministres accusés de faits de corruption, a multiplié les mesures antisociales. L’ensemble des réformes sociales adoptées par les gouvernements de Lula et de Dilma ont été purement et simplement supprimées, à l’exception du programme d’aide aux familles pauvres Bolsa familia.

C’est que, tant que la conjoncture internationale était bonne, les mesures sociales financées par l’exportation de matières premières sans toucher aux intérêts des capitalistes locaux pouvaient être acceptées. Mais, avec le retournement de conjoncture, même les timides réformes du deuxième gouvernement de Dilma devenaient insupportables. Continuer à payer des impôts pour le bien des pauvres? Allons donc.

Pour cette raison, alors que l’ancien président Lula caracole en tête des sondages en vue des élections présidentielles d’octobre, il fallait l’éliminer du jeu électoral. Sur la seule base de la conviction intime des enquêteurs et sans aucune preuve, Lula a été condamné à 12 ans de prison.

Emprisonné avant qu’il ait pu épuiser les voies légales de recours, il est actuellement détenu comme le pire des criminels en cellule d’isolement et privé de la plupart de ses visites. Dans le même temps, l’un des principaux ténors de la droite, Aecio Neves, pris en flagrant délit d’extorsion de fonds, demeure en liberté.

Violence institutionnalisée

Alors que le pays célèbre les 130 ans de l’abolition de l’esclavage sont exhumés les tristement célèbres fouets de cuir, avec lesquels on frappait les esclaves. C’est avec ces fouets que les milices des propriétaires terriens ont frappé des paysans sans terre qui attendaient le passage de la caravane de Lula dans l’État du Rio Grande do Sul, le 22 mars. Il s’est même trouvé une sénatrice de droite pour les en féliciter.

Ailleurs, propriétaires terriens et patronat peuvent compter sur l’aide directe de la police. 70 militant·e·s politiques ont de la sorte été assassinés en 2017, dont 52 impliqués dans des conflits autour de l’accès à la terre. Et dans la nuit du 14 mars 2018, un assassinat politique retentissant a été commis, celui de Marielle Franco, conseillère municipale à Rio, et de son chauffeur Anderson.

L’impunité dont bénéficient les campagnes de haine et la violence encouragée et dirigée par les plus puissants ne laisse rien présager de bon. Et ce n’est pas un hasard si, d’après les sondages, le candidat d’extrême droite, Jair Messias Bolsonaro, pourrait atteindre le second tour de la présidentielle.

Avec Lula, favori de tous les sondages, en cellule d’isolement.

Paolo Gilardi

Ce texte est issu d’un article publié dans L’essor de mai 2018, consultable en version intégrale sur notre site.