Brésil

Brésil : Premiers pas vers une unité antifasciste face aux offensives réactionnaires

Au Brésil, la classe travailleuse subit une offensive réactionnaire d’ampleur, renforcée depuis le coup d’Etat parlementaire contre le gouvernement de collaboration de classes du Parti des travailleurs (PT) et la destitution de la présidente Dilma Roussef, en 2016. Cette offensive de la bourgeoisie se manifeste tant sur le plan économique, avec l’agenda néolibéral radical du nouveau gouvernement de Michel Temer, que sur le plan répressif, avec la persécution d’activistes de gauche et l’intervention militaire à Rio de Janeiro.


Richard Silva – PCdoB

Depuis son entrée en fonction, Temer applique une série de réformes néolibérales radicales sans précédent dans l’histoire récente du pays. Avec la promulgation d’une loi empêchant tout investissement dans les services publics pour les vingt prochaines années, et ses réformes du Code du travail, il provoque un retour en arrière de dizaines années d’acquis sociaux issus des luttes sociales.

Temer déploie ces attaques malgré son implication avérée dans des scandales de corruption, comme lorsqu’a été révélé l’enregistrement de sa conversation téléphonique avec l’homme d’affaires Joesley Batista: celui-ci achetait le silence d’Eduardo Cunha, ex-président de la Chambre des députés et principal architecte parlementaire du putsch ayant porté Temer au pouvoir, aujourd’hui sous les verrous.

Cette politique économique se conjugue avec une répression de plus en plus violente. Depuis le mois de février, la sécurité de l’Etat de Rio est sous commandement de l’armée, avec pour conséquence le renforcement des actes de barbarie contre les habitant·e·s des favelas, notamment la jeunesse noire – le Brésil détient le record du nombre de personnes tuées par la police. 80 % d’entre elles sont noires. L’intervention est justifiée par la lutte contre le narcotrafic, très important au Brésil, en particulier à Rio de Janeiro. Cependant, il est clair qu’une intervention armée ne résout rien: seule la fin de la guerre contre les drogues via leur légalisation peut mettre fin au narcotrafic.

La bourgeoisie met Lula en prison

En outre, l’ancien président Lula (PT) a été condamné pour corruption malgré l’absence de la moindre preuve. Pendant que les dirigeants des partis bourgeois sont libres, même en étant accablés par des dizaines de preuves, la «justice» déploie uniquement ses forces pour condamner Lula. Cela s’explique par la précandidature de ce dernier aux élections présidentielles d’octobre prochain: s’il était candidat, il arriverait en première position et sortirait vainqueur du second tour dans tous les scénarios.

Il est clair que Lula est victime d’un jugement politique, orchestré par les classes dominantes et leurs relais au sein de la police fédérale et du pouvoir judiciaire, dans le but de poursuivre les contre-réformes néolibérales initiées après le coup d’Etat de 2016. Même si Lula affirmait qu’il ne comptait pas revenir sur toutes les lois mises en place par Temer, son opposition à une partie d’entre elles a suffi à la bourgeoisie pour s’affranchir de la démocratie. C’est ainsi que, sous la menace d’une intervention militaire de la part du général de l’armée, la Cour suprême a rejeté l’un des derniers recours de l’ancien président, conduisant à sa mise en détention et l’empêchant de la sorte de se porter candidat.

La défense du droit démocratique de Lula à être candidat n’équivaut pas à un soutien politique à son projet politique. Le PSOL (Parti socialisme et liberté) a toujours fait partie de l’opposition de gauche aux gouvernements du PT. Pour le courant interne MAIS (Mouvement pour une alternative indépendant et socialiste), un programme socialiste d’indépendance de classes, sans alliance avec des partis bourgeois, est nécessaire pour réellement venir à bout des inégalités sociales au Brésil. Toutefois, la défense des droits démocratiques élémentaires est un principe qui ne saurait être mis de côté par les révolutionnaires.

Pour un front antifasciste des travailleuses et travailleurs

Enfin, quand Lula marchait vers le sud du Brésil, sa caravane a été attaquée physiquement par des groupes fascistes. Attaque qui s’ajoute à l’exécution de Marielle Franco, conseillère municipale du PSOL à Rio, par des milices policières de la ville. Alors que le Brésil et la planète entière s’indignaient, le candidat aux présidentielles Jair Bolsonaro, candidat promilitaire d’extrême droite, a refusé de déplorer sa mort, donnant ainsi l’impulsion à la création de divers groupes diffamant la mémoire de l’élue sur les réseaux sociaux. Selon les sondages, Jair Bolsonaro est actuellement en deuxième position, après Lula, dans les intentions de vote.

Dans cette situation où le caractère autoritaire du régime s’accompagne du renforcement de groupes d’extrême droite, les principales directions du PT, du PSOL, du Parti communiste du Brésil (PCdoB) et d’autres organisations et mouvements sociaux se sont réunies lors d’une action pour la défense de la démocratie, afin de lancer le processus de construction d’un front antifasciste brésilien.

Cela alors même que, fait important, chacun de ces partis a déjà choisi son candidat pour les élections à venir: Lula pour le PT, Guilherme Boulos (Mouvement des travailleurs sans toit) et Sonia Guajajára (première femme indigène à être co-listière) pour le PSOL, et Manuela d’Avila pour le PcdoB. Malgré le maintien par ces partis de candidatures propres et des divergences programmatiques, tous ont décidé de mettre leurs différences politiques de côté en faveur de l’unité nécessaire au combat contre le gouvernement Temer et l’extrême droite, dans les luttes de terrain et dans les rues.

Victor Wolfgang Kegel Amal

Contributeur régulier du journal en ligne du MAIS Esquerda Online. Traduction: Gaëlle Scuiller