Surcharges professionnelles et maltraitances en EMS

Les conditions de travail et la maltraitance dans les établissements médicaux-sociaux (EMS) vaudois sont à nouveau sur le devant de la scène. Dans plusieurs journaux romands, des salarié·e·s témoignent de leurs difficiles conditions de travail, qui se répercutent sur la prise en charge des résident·e·s. Tour d’horizon d’un secteur sous pression face à des manques de dotation.

L’analyse des données de l’Office fédéral de la santé publique (OFS) appuie le constat d’une péjoration de la qualité de la prise en charge dans les EMS ces dernières années. La raison principale de cette dégradation est la diminution des dotations, en particulier en personnel qualifié. Le Syndicat des services publics (SSP) se bat pourtant depuis des années pour améliorer les conditions de travail dans le secteur. Les rencontres quotidiennes avec les salarié·e·s – dans l’immense majorité des femmes – révèlent de nombreux cas de surmenage. Certaines tiennent le coup par peur de se faire licencier ou, dégoûtées par leur travail, se réorientent. Le désenchantement est grand dans ce secteur où on est fier de son travail.

Discours humaniste et réalité des rythmes industriels

Les récits des conditions de travail sont choquants, tant concernant la maltraitance sur les résident·e·s que le traitement qui est parfois réservé au personnel par les directions. Du côté des résident·e·s, les mauvais traitements sont divers: alimentation pauvre, surmédication, surtout la nuit lorsque le personnel est en effectif réduit, mauvais traitement des plaies. Ces maltraitances sont en général mises sur le seul dos des salarié·e·s par des directions qui imposent des rythmes de travail industriels. Le nettoyage des chambres, les toilettes et les tournées de médicaments doivent être faits au pas de charge. Il reste peu de place pour la relation avec les résident·e·s. La pression est aggravée par l’absence non remplacée de salarié·e·s malades, accidentés ou en congé maternité. Les horaires irréguliers et la disponibilité dont doit faire preuve le personnel de nuit et du weekend compliquent l’équilibre entre vie professionnelle et privée.

Un problème qui perdure

Ces situations ne sont pas nouvelles. Dans le canton de Vaud, elles persistent malgré des avancées dans les années 2000. Les mobilisations syndicales avaient alors permis de créer une instance cantonale, la CIVESS, chargée de contrôler les EMS sur les plans de la dignité et de la sécurité des résident·e·s, et à laquelle le personnel pouvait s’adresser ; et d’inscrire un article protégeant les lanceurs et lanceuses d’alerte dans la CCT. Toutefois, comme le dénonce le SSP Vaud, les inspections ne reflètent que la situation à un moment donné et ne peuvent rendre compte de dysfonctionnements peu visibles, comme la maltraitance orale. Enfin, même s’il faut souligner l’importance de ces avancées, celles-ci ne permettent pas de résoudre le cœur du problème: le manque de dotations.

Personnel sur des sièges éjectables

L’imposition de rythmes effrénés et la pression au travail pèsent sur les pratiques professionnelles. Les erreurs étant inévitables dans une telle situation, il est facile pour une direction de licencier un·e salarié·e. Il règne ainsi un climat de peur qui empêche une réelle prise en charge médico-sociale et la construction d’une solidarité entre salarié·e·s pour améliorer les conditions de travail. Les luttes syndicales à mener sont d’autant plus urgentes que les politiques pour réduire les coûts de la santé ont déjà été adoptées, avec les effets désastreux que l’on connaît pour l’ensemble du secteur.

Vanessa Monney


Les syndicats obtiennent un document confidentiel

Les syndicats genevois le dénonçaient depuis des années. Aujourd’hui, ils en ont la preuve: un document de l’Etat quantifie de manière précise les soins non couverts dans les EMS.

La Direction générale de la santé l’avait écrit noir sur blanc dans un document à l’adresse des EMS, lors d’une séance de présentation effectuée le 30 août 2017: Genève couvre 86 % des soins requis par les personnes âgées. En clair, 14 % de soins pourtant nécessaires ne sont pas financés. De par la politique de développement des soins à domicile et la multiplication des structures intermédiaires, Genève a voulu retarder au maximum l’entrée en EMS de nos aîné·e·s. Raison pour laquelle l’état de santé de ces personnes est de plus en plus péjoré, nécessitant des soins toujours plus lourds.

Si les directions d’EMS savent bien que l’on ne peut pas supprimer les soins essentiels, elles se trouvent contraintes d’augmenter les cadences de travail. Cela devient vite l’enfer aux temps forts de la journée. Forcés de cavaler dans les couloirs pour couvrir une ribambelle de chambres en un temps record, les soignant·e·s n’ont plus le temps de respecter le rythme de nos aîné·e·s. Le 10 avril, Unia et le SSP ont interpelé le magistrat de la santé, Mauro Poggia. La suite de ce dossier sera publiée dans un prochain numéro. PC