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Grève en Allemagne - Et en Suisse?

Et en Suisse?

Après trois jours de grève, des négociations ardues et un appel à une grève générale, un compromis de dernière heure a été trouvé entre la section d’IG Metall du Bade-Wurtemberg et la fédération patronale Südwestmetall.

Grève d’IG Metall, Allemagne
Benjamin Oster

La presse bourgeoise suisse a toujours réservé un traitement particulier aux grèves. Le French bashing étant devenu l’un des passe-temps favoris en Suisse romande, surtout au moment de construire un «argumentaire» contre toute proposition d’améliorations sociales provenant de la gauche, il y a fort à parier que les récents développement en Allemagne ont pris par surprise la bourgeoisie helvétique.

Une mobilisation renouvelée

Depuis les «réformes» menées par Schröder au début des années 2000, sans oublier les effets de la réunification en 1990, les travailleuses·eurs ont subi une précarisation grandissante et une stagnation voire une réduction de leur salaire réel. Si l’Allemagne comptait environ 35 % de syndiqués au début des années 1970, les effectifs se sont effondrés depuis – comme dans tous les pays industrialisés – passant d’environ 25 % en 2000 à 18 % aujourd’hui. Face à cette détérioration des rapports de force, on peut saluer le résultat de la grève menée fin janvier par IG Metall, qui n’avait pas connu une telle mobilisation depuis 1984.

Avancées et concessions d’un compromis

Du côté des avancées, la hausse salariale de 6,8 % répartie sur vingt-sept mois et la semaine de 28 heures allant de six mois à deux ans pour les travailleuses·eurs qui en font la demande ne peuvent rester inaperçues de ce côté-ci du Rhin.

Du côté des concessions, le quota de travailleuses·eurs pouvant être soumis à un travail hebdomadaire de plus de 35 heures passera de 18 % à 50 %.

De plus, l’accord intervient dans un secteur fortement robotisé, dans un pays à la pointe de l’automatisation – en 2015, l’Allemagne compte 301 robots industriels pour 10 000 emplois alors que la Suisse en compte 119, pour une moyenne mondiale de 69. L’augmentation des salaires a par conséquent un impact limité sur la productivité du secteur.

Vus sous cet angle, les résultats obtenus par IG Metall n’entravent pas les objectifs du patronat allemand. Celui-ci a toujours privilégié l’intégration des syndicats dans sa stratégie industrielle et d’accroissement de la productivité. Ce compromis n’est donc pas de nature à changer les rapports de force en Allemagne. Il n’est qu’une compensation partielle et tardive de la baisse du pouvoir d’achat des travailleuses·eurs du secteur industriel où IG Metall est présent.

Vers une diminution du temps de travail en Suisse

En Suisse, deux constats peuvent être faits. D’une part, le recours massif à une main-d’œuvre bon marché décourage les investissements nécessaires pour augmenter les gains de productivité, gains qui devraient ensuite être répercutés sur les salaires.

D’autre part, les revendications des syndicats concernant la réduction du temps de travail sont absentes des négociations depuis longtemps, comme si les maigres et rares augmentations de salaire compensaient quelque peu la détérioration de la qualité de vie.

La grève allemande d’IG Metall doit permettre de lever le tabou suisse de la durée hebdomadaire du temps de travail et de revendiquer une réduction dans tous les cas à 30 heures de manière planifiée. Cela aurait pour effet d’augmenter les salaires les plus bas et d’obliger les patrons à moins recourir à une main-d’œuvre précaire et bon marché.

Dario Chiaradonna