Victoire à Notre-Dame-des-Landes

Le gouvernement français a fini par renoncer au projet d’aéroport sur le site de Notre-Dame-des-Landes. Une victoire pour celles et ceux qui ont lutté et vécu au sein de la ZAD.

Après 50 ans d’hésitations et de luttes, le projet d’aéroport sur le site de Notre-Dame-des-Landes, à 25 kilomètres de Nantes, est définitivement abandonné. A une époque où de telles occasions sont rares, cette victoire résonne comme un espoir immense. Oui, la lutte peut être victorieuse. La «ZAD» (initialement zone d’aménagement différé, renommée zone à défendre par les opposant•e•s au projet), c’est à la fois une lutte contre un projet nuisible pour l’environnement et une expérience de lutte au quotidien presque inédite.

Le refus d’un projet nuisible

Le projet d’aéroport représentait avant tout un gaspillage énergétique et la destruction de 1’650 hectares de terres agricoles et de zones humides si importantes pour l’environnement. La construction aurait impliqué une attaque irréversible à la biodiversité. Les habitant•e•s de la ZAD ont inventorié les espèces présentes sur le site et organisé des balades pédagogiques pour faire connaitre la richesse des lieux menacés. Ces espèces n’auraient pu être déplacées intégralement.

Au-delà des destructions entrainées par les travaux, cet aéroport était en lui-même un projet nuisible par son acharnement à augmenter le transport aérien, ses nuisances sonores et ses dépenses énergétiques immenses.

Une zone à défendre

Au-delà de cette lutte écologiste essentielle, la ZAD a aussi été une expérience de lutte au quotidien. La richesse de la ZAD réside dans la diversité et l’originalité de ses actions (expertises populaires, autogestion, agriculture alternative, etc.) et dans la grande hétérogénéité des individus et collectifs la composant. Pendant près de dix ans, des centaines de personnes ont vécu sur le site dans des maisons, cabanes, ou roulottes. 400 hectares de terres y étaient cultivés par onze exploitant•e•s, 260 hectares par les occupant•e•s et 600 hectares par d’anciens occupant•e•s indemnisés par Vinci. Sur le site se trouvaient un moulin, une épicerie-boulangerie-­fromagerie, une bibliothèque et une crèche parentale.

Paysan•ne•s et militant•e•s anticapitalistes se sont rassemblés dans une expérience de lutte commune. Ils et elles ont non seulement défendu des revendications mais ont revendiqué directement un territoire échappant aux logiques de l’Etat et du capital. Un territoire qu’il faut et qu’il est donc possible de protéger.

Pierre Raboud


Un nouveau Larzac?

La victoire de Notre-Dame-des-Landes est souvent associée à celle du Larzac en 1981. Cette dernière a empêché l’extension du camp militaire du Larzac, dans le sud du Massif central. Après dix années de lutte, le projet est abandonné. Les points communs sont nombreux entre ces deux épisodes. Tous deux réunissent paysan·e·s (au Larzac, 103 éleveurs de brebis sur 107 concernés refusèrent de quitter leur terre que l’Etat voulait saisir) et militant·e·s divers. Les deux mouvements ont multiplié les formes d’actions. Après sa victoire, le Larzac est devenu un modèle et un mythe. Est-ce que Notre-Dame-des-Landes jouera ce rôle pour des luttes actuelles et futures?


50 ans de luttes

1960 L’idée d’un aéroport pour la région du Grand Ouest émerge.

1970 Le site de Notre-Dame-des-Landes est retenu. En parallèle, l’Association de défense des exploitants concernés par le projet d’aéroport (Adeca) se crée. C’est le premier collectif de lutte contre le projet.

2008 Après une pause due aux crises pétrolières, le projet ressort sous le gouvernement Jospin et est déclaré d’utilité publique. L’Adeca reprend son activité et de nouveaux collectifs et individus la rejoignent. Des premières actions de protestation sont organisées (chaînes humaines, grèves de la faim).

2009 Sur initiative des opposants «historiques» de Notre-Dame-des-Landes, des centaines de militant·e·s érigent et occupent un camp sur le site.

2012 L’Etat lance l’opération «César» pour évacuer la ZAD. La lutte acquiert une renommée nationale. Après les expulsions, une manifestation de «réoccupation» réunit plusieurs dizaines de milliers de personnes.

2016 Lors d’un référendum local sur le projet, 55,17% des habitant·e·s de Loire-Atlantique approuvent le projet mais le non est fortement majoritaire à proximité de la «ZAD». Les occupant·e·s refusent de partir.

2018 Abandon du projet.


Quelles suites après la victoire?

Le gouvernement exige désormais l’évacuation de la ZAD avant la fin du mois de mars. Les barricades sur les routes départementales ont déjà été enlevées. De nombreux zadistes veulent néanmoins rester. Ils refusent toute expulsion et demande que l’Etat confie la gestion des terres à une entité issue du mouvement dans toute sa diversité. Ce fut le cas avec le Larzac, où le bail des hectares rachetés par l’Etat fut cédé à la Société civile des terres du Larzac.

Il semble évident que le gouvernement usera d’une répression forte pour évacuer les éléments les plus radicaux de la ZAD. Cette répression risque d’être violente. Il est donc important de continuer à défendre la ZAD.

Dans le même temps, d’autres zones de résistance gagnent en force après la victoire. C’est le cas de l’occupation de la forêt de Mandres-en-Barrois, contre une zone d’enfouissement de déchets nucléaires prévue à Bure.