Résistances féministes aux politiques de Donald Trump

Pour s’opposer à la venue sur le sol suisse de Donald Trump et, plus largement, de chefs d’Etat aux agissements tout aussi peu reluisants, des rassemblements de protestation ont eu lieu à travers la Suisse le 23 janvier (voir page 2). Cette contestation a notamment dénoncé la misogynie du président américain, symbole de tout un système patriarcal.


A Day without Immigrants, mai 2017 – Master Steve-Rapport

Au sein de la résistance à la politique de Donald Trump, les mouvements féministes sont parmi les plus actifs. Ainsi les Women’s March, marches internationales qui ont eu lieu au lendemain de l’investiture du président, ont rassemblé plusieurs millions de personnes rien qu’aux Etats-Unis. Les journaux américains ont alors parlé de la plus grande mobilisation concentrée sur une journée de l’histoire du pays.

Ces mobilisations constituaient une réaction à la campagne et aux positions de Donald Trump, particulièrement axées sur une posture masculine dominante, notamment en ce qui concerne le corps des femmes. On se rappelle le tristement célèbre «grab them by the pussy» («attrapez-les par la chatte»). Durant sa campagne, Trump s’est directement attaqué aux droits de toutes celles et ceux ne se retrouvant pas dans le camp des dominants. Il s’y est depuis employé par trente-quatre décisions en seulement six semaines de présidence. Parmi celles-ci: couper le financement d’ONG américaines basées à l’étranger en faveur du droit à l’avortement et du planning familial, autoriser l’extension d’un pipeline passant sur les terres sacrées des peuples amérindiens, mettre en place le Muslim Ban, etc.

Il ne s’est évidemment pas arrêté là. En octobre 2017, il abrogeait une disposition pour que les employeurs prennent en charge la contraception dans la couverture santé de leurs employé·e·s. Avec pour conséquence des mesures immédiates visant à limiter l’accès à l’avortement dans vingt-deux Etats.

En plus de ces mesures, l’administration de Donald Trump a renforcé des institutions étatiques traditionnellement masculines comme l’armée ou la police (Law enforcement), et progressivement démantelé des institutions liées aux soins, au bien-être ou encore à l’éducation de la population. Cette politique s’est aussi traduite par l’augmentation des violences, notamment contre les personnes migrantes, transgenres ou encore de confession juive.

Une résistance intersectionnelle

Face à cette politique particulièrement violente, les protestations ne se sont pas arrêtées aux marches massives de janvier 2017. Elles ont continué sous forme de grèves, de manifestations et d’autres actions. Celles-ci ont soulevé des questions sur la définition même d’être américain·e et sur la manière de vivre ensemble. Des voix se sont aussi élevées contre le fameux mur de Donald Trump, la haine raciale, l’islamophobie ou encore les déportations de migrants.

Cette nouvelle résistance féministe, en opposition à la posture masculine, blanche et hétérosexuelle caractérisant l’administration Trump, questionne la position des «autres», qui en sont exclu·e·s. Des actions radicales comme les jours de grèves A Day without Immigrants («Un jour sans immigrants», 16 février 2017) et A Day without a Woman («Un jour sans une femme», 8 mars) symbolisent ce rapprochement des luttes.

L’intersectionnalité des luttes a été un sujet central de discussion dans ce mouvement naissant. Par exemple, la question de la place des femmes LGBTIQ, racisées, migrantes ou musulmanes, permet de se distancier d’un féminisme impérialiste et bourgeois. Cette tension entre volonté d’unité et reconnaissance des particularités s’est traduite par les supports visuels utilisés lors des marches et les débats les entourant. La série de posters We the People s’inspire de l’esthétique de la campagne de Barack Obama et présente une femme voilée avec le drapeau américain. Elle cristallise ainsi les débats autour de l’intégration des «minorités» féminines, l’image étant perçue à la fois comme un signal positif contre l’islamophobie et comme une volonté d’assimilation nationaliste. Les Pussy hats, bonnets roses tricotés en réaction aux propos de Donald Trump, ont été un des principaux symboles de ces Women’s March. Repris jusqu’en Suisse, le fameux Pussy hat a également provoqué le débat autour de la nécessité d’avoir un «pussy» («chatte») pour défiler, excluant une partie des femmes.

Entre mouvements unitaires massifs et problématiques intersectionnelles, les luttes féministes contre Donald Trump représentent donc un bel espoir de mobilisations face à des politiques comme celles du président américain, tout en soulevant des questions cruciales pour les nouvelles résistances féministes.

Marie Jolliet