Lamin Fatty mort en prison - Plus jamais ça!

Plus jamais ça!

Le 24 octobre, le jeune requérant Lamin Fatty est mort au centre de détention de la Blécherette, à Lausanne. Détenu par erreur, il s’y trouvait depuis la veille en vue d’un renvoi vers l’Italie concernant une autre personne. Le 1er novembre, plus de 600 personnes ont manifesté à Lausanne pour condamner cette erreur funeste, exiger que la lumière soit faite et protester contre les cas récurrents de violences policières à Lausanne et en Suisse.


François Graf / Strates

Lundi 23 octobre, sur la base d’un signalement des autorités Lucernoises, la police recherche un requérant gambien. Elle interpelle Lamin Fatty, demandeur d’asile portant le même nom que la personne recherchée, et le place en détention en vue de son renvoi vers l’Italie. L’erreur aura des conséquences dramatiques: le jeune homme, souffrant d’épilepsie, est retrouvé mort dans sa cellule le lendemain.

Il existait pourtant des moyens pour éviter cette confusion. Assigné au canton de Vaud pour le traitement de sa procédure d’asile, Lamin Fatty était connu du Service de la population (SPOP) et vivait au centre EVAM d’Ecublens. Une cicatrice sur son crâne révélait une récente opération au CHUV. Si les forces de l’ordre avaient effectué correctement leur travail d’identification, elles ne l’auraient pas placé en détention. Deux téléphones auraient suffi.

Mécanique Dublin

Les accords de Dublin exigent le renvoi des migrant·e·s vers leur premier pays de transit en Europe, quels que soient les motifs de leur demande d’asile. Sans leur application systématique, une telle confusion ne se serait probablement pas produite. «L’accélération des procédures» entérinée par les autorités fédérales et cantonales le 5 juin 2016 mène à tous les excès. S’enclenche une sordide course au chiffre et aux renvois, dont les conséquences sont souvent des parcours de vie détruits.

La situation risque d’empirer, si l’on en croit les annonces récentes de Simonetta Sommaruga. Dans le cadre des rencontres du Groupe de contact pour la Méditerrannée (cf. solidaritéS nº 315), la Conseillère fédérale PS a défendu l’installation de centres au Nord du Mali, du Niger et du Tchad visant à dissuader les migrant.e.s de poursuivre leur route vers l’Europe (Le Matin Dimanche, 05.11.2017).

Racisme d’Etat et violences policières

L’histoire de Lamin n’est pas étrangère à sa couleur de peau et son origine. Les policiers l’auraient-ils contrôlé s’il avait été blanc? L’auraient-ils incarcéré de façon aussi expéditive s’il s’était appelé Robert Muller? On peut en douter. Ces évènements sont révélateurs de pratiques policières gangrénées par les discriminations raciales et les contrôles au faciès, à Lausanne et ailleurs en Suisse. Ils témoignent du racisme d’Etat au fondement de la politique à l’égard des personnes non-blanches ou étrangères depuis des décennies, que relèvent plusieurs rapports accablants.

Relevant notamment l’absence de structure indépendante pour les dépôts de plaintes par les victimes de violences policières, plusieurs organismes des Nations unies critiquent régulièrement la Suisse pour sa législation et ses mesures insuffisantes pour protéger les victimes de pratiques discriminatoires de la part des forces de l’ordre (humanrights.ch).

Un rapport du Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noir (CRAN) de 2015 fait état de «dérapages policiers, avec interpellations au faciès, insultes, brutalités, fouilles anales sur la place publique et autres humiliations gratuites […]. Quasi quotidiens, leur caractère répété, systématique, généralisé à tous les cantons et ciblé sur les personnes de ‹ race › noire ne peut être dû au seul hasard» (racismeantinoir.ch: Rapport sur le racisme anti-Noir en Suisse, 2000–2014).

Au mois d’août dernier, l’Association des chrétiens pour l’abolition de la torture publiait un autre rapport: «En Suisse, les cas de violences policières, d’usage abusif de la contrainte et de comportements racistes et xénophobes de la part des services de la police et de l’immigration, notamment envers les requérants d’asile, les migrants en général et les personnes d’origine étrangère, se sont multipliés depuis 2015» (acat.ch).

Agir sur tous les fronts

Au Grand Conseil vaudois, notre député Jean-Michel Dolivo a déposé une interpellation co-­signée par 54 député·e·s, demandant que la lumière soit faite sur la mort de Lamin. Les élu·e·s lausannois Ensemble à Gauche réclament pour leur part la mise sur pied d’une instance indépendante de plainte, comme demandé par les organismes internationaux. Ils·elles demandent aussi l’introduction d’un reçu délivré pour chaque interpellation, afin de freiner le profilage racial et de donner des outils à qui souhaiterait contester le bienfondé de l’interpellation. Cela permettrait également d’établir des données sur les pratiques policières, pour l’heure inexistantes. Trou béant dans les études réalisées sur les agissements des forces de l’ordre, ce vide statistique sert aux autorités pour affirmer qu’il s’agit d’un problème fictif ou marginal.

Des mobilisations comme celle du 1er novembre sont cruciales pour maintenir la pression sur les autorités communales et cantonales. A l’image de la marche ayant fait suite à la mort d’Hervé, abattu par des agents de la police cantonale en novembre 2016, la manifestation a réuni des centaines de personnes, majoritairement noires. Se sentant visées par la recrudescence des violences policières, elles criaient notamment «la vie des noir·e·s compte aussi», en référence au mouvement nord-américain Black Lives Matters.

Plus que toute démarche parlementaire, l’engagement unitaire de toutes celles et tous ceux qui refusent ces violences est essentiel pour faire reculer ces pratiques!

Pierre Conscience

Table ronde sur le harcèlement de rue et le profilage racial

Samedi 18 novembre
13 h Refuge Mon Gré

19 bd. de Grancy
Lausanne
Org.: Collectif R, Collectif Jean Dutoit