Les aspects sombres du consensus japonais

En 1987, John Barzman et Pierre Rousset écrivaient que le modèle japonais était devenu l’aune du nouvel ordre social que la bourgeoisie des pays capitalistes développés voulait imposer au mouvement ouvrier.


Keith Hamm

Lors de la présentation de leur étude, ils ajoutaient: «A cette fin, les mythes fleurissent, à commencer par celui qui voudrait que le ‹ consensus › interclassiste qui assure la paix sociale au sein de la grande entreprise nippone soit un rapport harmonieux entre patrons, maîtrise et travailleurs, qui exprimerait un trait de civilisation permanent dans cet archipel extrême-oriental». Aujourd’hui, les aspects sombres de ce «miracle consensuel» apparaissent au grand jour (voir «Les dessous du miracle japonais», solidaritéS, nº 311).

La mort par excès de travail

Parmi ceux-ci, le matahara ou maternity harassment, qui consiste en un répertoire de violences physiques et psychiques exercées contre les femmes enceintes pour susciter l’accélération de leurs cadences ou leur départ. Il existe également d’autres calamités, telles que le karoshi. Ce dernier aboutit au décès par excès de travail. Il fait des centaines de victimes chaque année.

Ainsi, au mois d’avril de cette année, un ouvrier du bâtiment de 27 ans s’est donné la mort. ll avait été engagé en décembre de l’année précédente sur le chantier du Stade olympique de Tokyo et avait accumulé 200 heures supplémentaires en un mois. Il a ainsi été reconnu que cet ouvrier était devenu mentalement malade en raison d’heures de travail excessives. Mais il n’est pas le seul. Une journaliste employée de la télévision publique NHK venait d’accumuler 159 heures supplémentaires en un mois lorsqu’elle est morte d’un malaise cardiaque. Enfin, une stagiaire d’une agence publicitaire s’est suicidée suite à la cumulation de plus de 100 heures supplémentaires par mois.

En Suisse, la bourgeoisie n’a de cesse de revendiquer une flexibilisation du temps de travail qui va dans la même direction, telles les initiatives parlementaires Keller-Sutter et Graber qui visent à modifier les dispositions sur la saisie du temps de travail.

Hans-Peter Renk

A lire

Muto Ichiyo, Lutte de classe et innovation technologique au Japon depuis 1945, Amsterdam, Institut international de recherche et de formation, 1987 (Cahiers d’étude et de recherche, nº 5)