Expulsions intolérables

Indignations à Fribourg après des renvois musclés de personnes requérantes d’asile. La section fribourgeoise de solidaritéS dénonce ces pratiques inhumaines.

Le 11 septembre dernier à 4 h du matin, notre amie et voisine de quartier, C., et son garçon de 2 ans ont été appréhendés au foyer des Remparts (dirigé par l’entreprise privée ORS Service AG) par huit policiers accompagnés d’un interprète et d’un médecin. Notre amie et son enfant ont été emmenés à l’aéroport de Zurich et ont atterri en Allemagne dans la région même que C. avait fuie en raison de violences conjugales et familiales graves envers elle et son bébé.

Nous étions pourtant plusieurs à avoir averti les autorités cantonales et fédérales de la situation particulièrement vulnérable de cette mère de famille. En tant que Kurde, elle avait d’abord fui la guerre d’Irak, puis une situation familiale dangereuse. Du fait des traumatismes qu’elle a subis, elle souffrait de problèmes de santé psychique, dont des pulsions suicidaires. Elle sortait d’un deuxième séjour en hôpital psychiatrique et commençait à se rétablir grâce à la solidarité et à l’amitié de plusieurs personnes et à la bienveillance de tout un quartier. Elle envisageait l’avenir avec un peu de confiance. Nos enfants jouaient avec le sien.

Des tragédies injustifiables

Quelques jours à peine ont séparé cette expulsion d’une autre, aux méthodes barbares similaires. Un lecteur s’indignait, dans La Liberté du 22 septembre, d’une tentative de renvoi de sa voisine et de son enfant de 5 ans, également à 4 h du matin, dans un fracas disproportionné.

Relayées au grand public, en particulier par le collectif Droit de rester Fribourg, ces situations ont alerté et indigné l’opinion publique. De nombreux courriers, notamment au nom de solidaritéS Fribourg, ont été ainsi adressés aux autorités cantonales et fédérales.

Contacté par La Liberté, le chef du service fribourgeois du SPOMI a justifié ces pratiques dans un article du 28 septembre. Il invoque l’importance de respecter la loi sur l’asile et justifie les expulsions au milieu de la nuit par les horaires des vols, souvent matinaux. Personne ne mentionne la clause de souveraineté (art. 17 du règlement Dublin III) qu’il est possible d’activer dans des cas individuels, pour des personnes à la santé fragile et particulièrement vulnérables. Pourquoi n’a-t-elle pas été activée pour C. et son enfant?

Nous vivons une époque terrible, où les mots «Dublin», «quotas», «statistiques» ou «quantité» de personnes réfugiées à «gérer» justifient des tragédies humaines désormais quotidiennes. Ne faut-il pas y voir ce qu’Anna Harendt appelait «la banalité du mal»?

Indignée par la politique d’asile suisse et par la précarité des conditions d’accueil des personnes requérantes d’asile dans notre canton, la section fribourgeoise de solidaritéS s’engage activement dans ce domaine, au travers d’un de ses groupes de travail.

«Les poètes déclarent que, quelles que soient les circonstances, un enfant ne saurait naitre en dehors de l’enfance ; que l’enfance est le sel de la terre, le sol de notre sol, le sang de tous les sangs, que l’enfance est donc partout chez elle, comme la respiration du vent, le salubre de l’orage, le fécond de la foudre, prioritaire en tout, plénière d’emblée et citoyenne d’office.» (Patrick Chamoiseau, Frères migrants, 2017)

Sophie Torrent