Immigration et asile: surenchère répressive

Immigration et asile: surenchère répressive

«L’UDC pose les bonnes questions, mais apporte les mauvaises réponses», une formule utilisée par Ruth Metzler au soir de la votation sur l’initiative UDC contre le droit d’asile, formule par ailleurs identique à celle lancée en son temps par un ministre socialiste français dans un débat télévisé avec Jean-Marie Le Pen!

Immigration et sécurité

Les résultats de ce vote conduisent aujourd’hui à une véritable surenchère répressive en matière de politique d’asile et d’immigration. Les élections fédérales de cet automne se profilant, le terreau xénophobe et sécuritaire est très convoité. Parmi les nombreuses propositions formulées, à caractère discriminatoire, voire franchement raciste, citons celles du gouvernement argovien et saint-gallois qui veulent entre autres interdire aux requérants d’asile l’usage des téléphones mobiles, sous prétexte que ceux-ci seraient utilisés pour organiser le trafic de drogue, et pouvoir mettre en détention un requérant d’asile en vue de son renvoi, sur la seule base d’indices faisant penser qu’il aurait falsifié son identité. Le gouvernement argovien s’était déjà illustré en proposant la mise sur pied de véritable camp d’internement pour les requérants d’asile. La criminalisation de l’immigré-e, du sans-papiers, du requérant d’asile permet de légitimer des atteintes graves aux libertés fondamentales comme la liberté personnelle.

Etranger indésirable

La volonté de renforcer l’arsenal répressif et dissuasif fait tout d’abord l’impasse sur le fait que la législation actuelle sur l’immigration (Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers/LSEE, ses ordonnances et directives d’application) et sur l’asile (Loi sur l’asile/LAsi et ses ordonnances) se distingue déjà par son caractère particulièrement inquisiteur et suspicieux. Au lieu de constater l’échec d’une telle politique, les projets législatifs en discussion aux Chambres, soit la nouvelle Loi fédérale sur les étrangers (LEtr) ou la prochaine révision de la Loi sur l’asile (LAsi) vont encore très largement encore aggraver cette situation. L’interdiction d’entrée et l’expulsion administrative constituent deux mesures illustrant parfaitement le large pouvoir répressif octroyé à la police des étrangers. Elles se fondent sur la notion d’«étranger indésirable». Est notamment considéré comme indésirable par l’Office fédéral des étrangers «celui dont le comportement et la mentalité, soit ne permettent pas d’escompter de sa part, l’attitude loyale qui est la condition de l’hospitalité, soit révèlent qu’il n’est pas capable de se conformer à l’ordre établi.» (Directives et Commentaires de l’OFE, no 842).

La chasse aux sans-papiers

La LSEE réprime l’aide à l’entrée et au séjour illégal, même si celle-ci est apportée dans un but d’idéal, sans dessein d’enrichissement. Ces derniers mois ces dispositions ont été utilisées pour réprimer, dans le canton de Vaud et à Bâle, des assistants sociaux ou des pasteurs qui ont donné de simples conseils à des personnes sans autorisation de séjour. Dans son message de présentation de la LEtr le Conseil fédéral annonce très clairement la couleur: «Le projet de loi prévoit un durcissement des dispositions pénales. Dans la perspective d’une bonne collaboration avec nos pays voisins, il importe de combattre systématiquement l’entrée et la sortie clandestine ainsi que l’activité de passeurs. En outre, une très grande importance est accordée à la lutte contre le travail au noir. II s’agit en premier lieu de punir systématiquement les employeurs. Par rapport au droit en vigueur, les peines qui leur seront infligées doivent être plus sévères. Le travail au noir doit perdre de son intérêt et les employeurs ne doivent pas être pénalisés moins sévèrement que les étrangers qui travaillent au noir. De surcroît, il est indispensable d’intensifier les contrôles et la coopération et de répartir clairement les compétences entre les différents services concernés (autorités du marché du travail et police des étrangers, organisations patronales et syndicats)».


La traque aux sans-papiers va en conséquence s’intensifier, avec une répartition des rôles dans laquelle les syndicats ont toute leur place. C’est déjà le cas dans la construction où les contrôleurs de chantier, mis en place avec le soutien des «partenaires sociaux», dénoncent aux autorités policières les salariés sans-papiers. Ces contrôles sont en train d’essaimer dans d’autres secteurs professionnels, comme l’hôtellerie et la restauration.

Colmater les murailles du château-fort helvétique

Le Conseil fédéral propose en outre d’introduire la possibilité de prononcer des sanctions à l’égard des entreprises de transport aérien et ce pour «entraver la migration clandestine». Celles-ci devront prendre toutes les dispositions nécessaires pour ne transporter que des personnes disposant des documents de voyage requis, lors du transit, de l’entrée ou de la sortie. Lorsqu’une compagnie aérienne aura violé ce devoir de diligence, elle devra prendre en charge tous les frais de subsistance et d’assistance supportés par les autorités fédérales et cantonales, pour un séjour de six mois au plus, y compris les coûts d’une détention ordonnée, les frais d’escorte et les frais de renvoi ou d’expulsion. Enfin, l’entreprise de transport aérien sera punie d’une amende de 5000 Fr. au plus pour chaque passager qu’elle a transporté et qui n’est pas muni des documents de voyage requis.

Défendre des droits et les libertés fondamentales

La chasse aux étrangers-ères est ouverte. Elle vise en particulier toutes les personnes ayant la peau foncée, «à l’allure non-européenne». Elle prend la forme d’une multiplication de contrôles au faciès, de gardes à vue injustifiées, parfois même de violences policières ou de renvois brutaux. La chasse est non seulement ouverte, mais elle est aussi couverte par le racisme dont sont imprégnées aujourd’hui les déclarations de nombre de politiciens et surtout la politique mise en oeuvre par le Conseil fédéral. Défendre les droits de tous les étrangers-ères, avec ou sans statut, victimes du pouvoir discrétionnaire de l’administration, c’est refuser que ne se banalisent encore davantage des atteintes choquantes aux droits fondamentaux, reconnus en principe à l’ensemble des citoyennes et citoyens quelle que soit leur origine ou la couleur de leur peau. C’est en effet dans cette brèche que s’engouffrera inévitablement d’autres remises en cause de ces droits. Le délit de faciès, lié à la couleur de la peau, s’élargira ainsi au contrôle systématique des jeunes. Le racisme et la xénophobie constituent une gangrène: il est urgent de la combattre partout sur le terrain, notamment dans les quartiers, les entreprises et dans tous les lieux de formation.


Jean-Michel DOLIVO