Elections allemandes

Elections allemandes : «Mutti» Merkel rempile

Sauf coup du sort, Angela Merkel et son parti (CDU) sortiront en tête des élections au Parlement allemand du 24 septembre. La chancelière repartira donc pour un nouveau tour de piste. Le seul débat électoral télévisé de la campagne n’a pas permis à son adversaire social-démocrate, Martin Schulz (SPD), de gagner quelques points. Le résultat final ne changera donc pas.


Stand de merchandising lors du dernier congrès de Die Linke – Jakob Huber

Tous les commentateurs·trices  s’accordent pour constater l’atonie de la campagne électorale. Ce calme plat est mis sur le compte d’une fine tactique de l’équipe Merkel, appelée la « démobilisation asymétrique », qui consiste à faire comme si ses adversaires n’existaient pas et à poursuivre son chemin en déroulant son programme ou ce qui en tient lieu. D’où les ruades de Martin Schulz, dénonçant l’atteinte à la démocratie portée par l’absence de réponse d’Angela Merkel à ses critiques. Celle que l’on appelle aussi la « chancelière téflon », sur qui tout glisse et rien n’attache, joue certes la carte de la force tranquille de la continuité, en appelant à voter «pour une Allemagne où il fait bon vivre». Mais l’absence de répondant des autres prétendant·e·s a des causes plus profondes qu’un simple problème de tactique électorale.

Le SPD: « non, rien de rien, je ne regrette rien! »

C’est un multimillionnaire en revenu annuel qui a tenu le discours d’ouverture du congrès préélectoral du SPD en juillet. L’ancien chancelier Gerhard Schröder, responsable du plus grave recul social de l’Allemagne moderne – les diverses lois Hartz dégradant salaire, emploi, assurances sociales et mobilité – y a péroré durant près d’une heure et demie. Manière pour le parti de revendiquer haut et fort sa capacité à se mettre au service du capital. Les vieilles outres continueront à recevoir le même vin prêt à tourner. A preuve: le programme électoral voté par le SPD est en recul par rapport à celui de Peer Steinbrück défendu en 2013. Le SPD, comme Angela Merkel, dont il est le partenaire minoritaire dans la grande coalition qui gouverne le pays, veut poursuivre comme avant. Tant mieux s’il arrive à être la force dominante de la coalition, sinon tant pis.

De là la difficulté pour Martin Schulz de rendre crédibles son appel à plus de justice sociale et sa posture à gauche de la grande coalition. Rien dans la politique actuelle et passée du SPD ne légitime son propos. Le vague de ses propositions n’arrange rien. Sur le journal en ligne Médiapart, le politologue berlinois Gero Neugebauer compare Schulz à un David combattant Goliath, mais ayant oublié ses pierres ou sa fronde!

Le test politique du diesel

Les réactions autour du scandale du diesel montrent bien le consensus mou généré par la politique allemande. Tout le monde a bien sûr crié au scandale, sans aller beaucoup plus loin. Bien que «révoltée», Merkel bloque l’application de normes de santé publique trop coûteuses pour l’industrie automobile et se refuse à formuler une date pour l’abandon de cette technique. Schulz, proche du syndicat de l’automobile, l’IG Metall, ne propose pas de date non plus et demande que l’Etat finance le changement des flottes de véhicules diesel des entreprises et des communes. Les Verts sont d’une grande discrétion: le seul écologiste à diriger une région (Land) est à la tête du Bade-Wurtemberg, fief de l’industrie automobile. Ils se contentent donc d’une prime pour l’achat de véhicules électriques et du refus de s’allier avec un parti qui ne réclamerait pas la disparition du diesel dès 2030.

On comprend mieux ainsi que les sondages électoraux ressemblent à l’électrocardiogramme de Toutankhamon. Avec quelques point d’écart entre eux, ils situent sans grand changement dans le temps la CDU/CSU à plus ou moins 38%, le SPD à 24%, Die Linke à 9%, les Verts à 8%, le Parti libéral (FDP) à 8% et les xénophobes de l’AfD à 8%.

Voter Die Linke, sans illusions

Cette situation devrait théoriquement profiter à Die Linke. Ce n’est pas le cas. Car Die Linke est un parti à plusieurs visages. Dans les régions de l’ancienne RDA, c’est majoritairement le parti de ceux et celles qui ont réussi à s’adapter à la réunification allemande sous l’égide du capitalisme. La participation gouvernementale à des politiques antisociales et de privatisation ne leur fait pas problème.

A l’Ouest, Die Linke représente une aile réformiste de gauche cohérente, ce qui, dans la situation actuelle, n’est pas négligeable. Dans certaines régions, comme la Rhénanie du Nord-Westphalie, une aile clairement anticapitaliste possède une influence réelle. Die Linke y apparaît alors, avec raison, comme défendant les salarié·e·s et les précaires. La lutte actuelle de cette gauche vise à ce que le parti applique effectivement son programme, qui contient nombre d’éléments positifs. C’est une lutte difficile.

Le dernier exemple en date n’est pas encourageant. Les représentant·e·s de Die Linke des régions de Berlin, Thuringe et Brandebourg à la Chambre haute (Bundesrat) du Parlement ont voté une modification de la Constitution ouvrant la voie à la privatisation des autoroutes. Un jour avant, le groupe de Die Linke à la Chambre basse votait à l’unanimité contre, après avoir vertement critiqué cette privatisation. Pour la gauche anticapitaliste, le vote Die Linke s’impose certes, mais sans illusions.

Daniel Süri