Election au Conseil fédéral

Election au Conseil fédéral : Demandez le programme!

Le Parti libéral–radical a longtemps hésité sur le scénario du film. Après « Un tueur dans la ville », il a semblé opter pour « La belle et la bête », puis hésiter devant « Le bon, la brute et le truand » pour finalement se rabattre, à travers son groupe parlementaire, sur « Nous trois ou rien ». L’Assemblée fédérale fera donc son choix le 20 septembre entre Ignazio Cassis, Isabelle Moret et Pierre Maudet pour succéder à Didier Burkhalter.

Reconnaissons  à Pierre Maudet un seul mérite (mais pas plus): c’est grâce à sa candidature que quelques points politiques ont été vaguement évoqués dans cette campagne à la candidature. Certes, tout le monde n’a pas encore compris quelle était vraiment sa proposition en matière d’arbitrage entre l’Union européenne et la Suisse, lui-même n’en a peut-être qu’une vague idée, mais au moins il s’agissait de contenu politique. Jusqu’alors, le débat tournait surtout autour de la question de la représentativité, débouchant sur une arithmétique singulière dans laquelle on se demandait si une femme valait un Tessinois. Et inversement.

Certains bruits de couloir de la réunion du groupe parlementaire du vendredi 1er septembre laissent entendre qu’Isabelle Moret n’aurait décroché sa place sur le ticket qu’à la raclette, Pierre Maudet ayant pour sa part mené une bonne campagne d’autopromotion auprès des élu·e·s fédéraux du PLR. Celle que d’aucuns surnomment la « Fée clochette » du PLR vaudois n’aurait pas la stature demandée par le poste. Comme si tous les mâles en place l’avaient…

L’essentiel n’est toutefois pas là. Il faut lever le nez du guidon pour voir que, dans les prochaines années, la majeure partie du Conseil fédéral va être renouvelée. Doris Leuthard a déjà annoncé son départ ; celui de Johann Schneider–Amman ne devrait pas tarder à l’être et Ueli Maurer suivra ensuite ou en même temps.

L’occasion est donc belle pour la bourgeoisie helvétique de retrouver une certaine stabilité gouvernementale: la formule magique a été réajustée, le PDC étant ramené à un seul siège au gouvernement, les deux UDC sont plus collégiaux que le trublion Blocher, la parenthèse Widmer-Schlumpf, issue du groupuscule PBD, est refermée. On va donc pouvoir passer aux choses sérieuses, avec un gouvernement collégial, stable et la barre clairement orientée à tribord. L’évolution politique de celui que les Alémaniques appellent «Krankencassis» – pour souligner son travail de lobbyiste pour les caisses–maladie (Krankenkasse en allemand) – qui fait aujourd’hui ouvertement la lèche à l’UDC, alors que dans sa folle jeunesse il passait pour un PLR « de gauche », montre clairement l’orientation générale de la politique suisse.

Blanc bonnet, bonnet blanc

L’organe du radicalisme et des milieux d’affaires réunis, la Neue Zürcher Zeitung, qui suit ces péripéties électorales comme du lait sur le feu, se félicite que la campagne soit morne et ennuyeuse, loin des épisodes chaotiques vécus durant les dernières décennies. Ainsi la collégialité, comme le système de concordance, ne sont plus ébranlés.

Dans un long commentaire, son responsable de la rubrique nationale, Michael Schönenberger, trace la feuille de route du futur gouvernement ainsi homogénéisé. Il souhaite que ce dernier se saisisse activement d’abord de la question européenne, qui doit être réglée sans perte de souveraineté. C’est ensuite à la santé et à l’Etat-providence qu’il faudra s’en prendre, le meilleur Etat social étant celui dont on n’a pas besoin, les individus menant leur vie sous leur propre responsabilité. La meilleure politique sociale – et la plus durable – est en effet celle qui pose et garantit les fondements d’une économie prospère. Passons sur la digitalisation de l’économie que le gouvernement doit promouvoir grâce à une stratégie claire. Notons que les sociaux–démocrates doivent se rallier sans coup férir aux dépenses de la défense nationale. Relevons aussi que les paysan·ne·s sont priés d’apprendre à se passer de subventions par milliards. La culture et l’aide au développement finiront aussi devant la ferme, là où l’on met le fumier. Enfin, le tournant énergétique doit être vigoureusement pris, sans recours aux centrales à gaz à cycle combiné. Et qui sont, pour la NZZ, les deux candidats susceptibles de porter ce mirifique programme? Cassis ou Maudet, évidemment. On vous aura prévenu…

Daniel Süri


Les bouffons de la binationalité

Ils doivent  certainement se prendre pour des gens de leur époque, des modernistes même. Pourtant ils viennent de nous rejouer une farce digne du Moyen–Age, une farce grotesque, déclenchant rires et sarcasmes mêlés d’effroi.

Ignazo Cassis et Pierre Maudet sont binationaux, le premier italo–suisse et le second franco–suisse. Le premier a ouvertement renoncé à sa nationalité italienne et l’a clamé haut et fort. Le second s’est déclaré prêt à abandonner « momentanément » sa nationalité française si le Conseil fédéral le jugeait bon.

Un clin d’œil appuyé à l’UDC, qui, scrogneugneu, expliquait qu’un fort soupçon de trahison pesait par définition sur tout binational. Et l’on voit bien jusqu’où mène cette resucée de la « 5e colonne » prête à trahir la cause nationale: à la suppression pure et simple de la binationalité. Actuellement, 500 000 personnes sont binationales en Suisse. Les forcer à renoncer à une part de leur histoire n’effraie pas l’UDC. Le sang et le sol (Blut und Boden) valent bien ça, non? Pour les deux autres, l’opportunisme est visiblement une deuxième nature. «Paris vaut bien une messe», disait Henri IV avant de se convertir au catholicisme pour être couronné. Et finir assassiné par plus catholique que lui.  DS