Comment garantir des retraites sûres et solidaires?

Nous appelons à voter  deux fois non à PV 2020 et à la hausse de la TVA, parce qu’il s’agit d’un très mauvais compromis. Il pénalise une fois encore les femmes, entérine une baisse importante des rentes du 2e pilier pour tou·te·s, et fait payer ce brouet amer aux retraité·e·s et aux salarié·e·s modestes par le biais d’une hausse de la TVA.

Nos contradicteurs nous objectent que l’AVS s’engage sur la pente des déficits, compte tenu du vieillissement de la population, et que le 2e pilier doit faire face à des rendements faibles à long terme, ce qui ne lui permettra pas de servir les rentes escomptées. Il faudra donc faire quelque chose. Pourquoi ne pas soutenir le paquet négocié par Alain Berset?

En réalité, ce très mauvais compromis laisse déjà poindre les reculs suivants, en particulier des baisses plus fortes du taux de conversion du 2e pilier, de même que l’élévation de l’âge de la retraite pour toutes et tous au-dessus de 65 ans. Ces mesures seront justifiées par les mêmes arguments: vieillissement de la population et rendements insuffisants de la fortune de la prévoyance professionnelle.

C’est pourquoi,  au-delà d’un double non au paquet Berset, il est essentiel de défendre une réforme d’ensemble de notre système de retraites. Nous y travaillons depuis des années et avons mis au point des modalités concrètes d’intégration du 2e pilier à l’AVS, avec maintien des avantages acquis. Pour faire simple, l’AVS pourrait sauver nos retraites si les sommes actuellement affectées au 1er et au 2e piliers lui étaient intégralement versées.

Pour cela, il faudrait arrêter de nourrir le 2e pilier et prélever une cotisation de 28,2% – somme des taux AVS et LPP moyen actuels – sur la totalité des revenus AVS. En maintenant la répartition actuelle employé/employeur, ces 28,2% se distribueraient à raison de 12,7% pour les premiers et de 15,5% pour les seconds, sur toute la durée de la vie professionnelle.

Notre projet permettrait de servir une rente minimale de 3800 francs par mois – supérieure à 80% du dernier salaire – aux revenus mensuels inférieurs à 4750 francs. Pour les rémunérations dépassant cette somme, cette rente équivaudrait à 80% du dernier salaire. Enfin, pour les rémunérations supérieures à 11 875 francs, elle serait plafonnée à 9500 francs, et donc inférieure à 80% du dernier salaire.

Afin d’assurer la transition  vers l’intégration du 2e pilier à l’AVS, la fortune totale des caisses de pension devrait être versée au fonds de compensation AVS, qui deviendrait un fonds de réserve. Dès le départ, les 3/4 des pensions seraient financées par le transfert direct des cotisations des actifs·ves aux retraité·e·s, selon le principe des retraites par répartition.

Le dernier quart des recettes serait fourni par l’impôt (1/8e), en maintenant l’effort existant, ainsi que par le rendement du capital (1/8e), avec un taux d’intérêt moyen de 2% par an, qui permettrait des investissements socialement et écologiquement utiles. Bien entendu, le recours à la capitalisation diminuerait au prorata de la croissance du volume des cotisations.

Toutes celles et ceux qui auraient cotisé jusqu’ici au 2e pilier pourraient retirer leur capital dans les conditions actuelles, en contrepartie d’une réduction de leurs rentes correspondant au manque à gagner sur le rendement ainsi soustrait. Comme de nombreux observateurs aujourd’hui, nous serions cependant favorables à restreindre ces possibilités afin d’éviter que des personnes ne finissent par toucher des rentes insuffisantes à l’âge de la retraite.

La baisse de la proportion des actifs·ves pourrait-elle mettre en péril notre système? Pas tant que la croissance du PIB par habitant permet de compenser la diminution du rapport actifs·ves/pensionné·e·s. Dans le cas contraire, il suffirait de relever le taux de cotisation, ce qui renvoie à un choix politique. Compte tenu du niveau très faible des charges sociales en Suisse, en comparaison internationale, nous avons une marge de manœuvre appréciable.

Il existe d’autres plans de transfert des cotisations LPP à l’AVS. Mais en refusant de verser la fortune du 2e pilier dans un fonds de réserve, ils se résignent à voir couler la prévoyance professionnelle. Pourquoi reculer devant un argument idéologique – «ce sont mes économies! » – en laissant la finance privée les exproprier? De plus, sans ce financement complémentaire, nous ne pourrons pas garantir des retraites fixées à 80% du dernier salaire, qui permettent de «maintenir de manière appropriée son niveau de vie antérieur» (Constitution, art. 113).

Ce débat est urgent et nous entendons le poursuivre avec les personnes et les collectifs intéressés. Le lancement d’une initiative populaire fédérale permettrait de le porter très largement sur la place publique. Reste à nous en donner les moyens dans la période à venir…

Jean Batou