Solidarité

Solidarité : La Centrale sanitaire suisse - En aide aux enfants palestiniens

En aide aux enfants palestiniens

La Centrale Sanitaire Suisse Romande (CSSR), fondée durant la guerre civile espagnole, fêtait ses 80 ans en juin dernier. Toujours militante, la vaillante octogénaire déploie ses activités sanitaires entre autres en Palestine, dans un programme singulier. Nous en avons parlé avec Gaspard Nordmann, secrétaire général de la CSSR.

Yes Theatre

Pouvez-vous nous dire à quel contexte répond votre programme d’aide à la santé mentale pour les enfants palestiniens?

La Palestine vit sous occupation israélienne depuis 1967… depuis 50 ans! Les incursions, les déplacements forcés, les démolitions de maisons, les attaques de colons, la fragmentation du territoire en trois zones, etc. ont considérablement affaibli le pouvoir de l’autorité palestinienne et bloqué le développement du pays. En 2011, 17.8% de la population en Cisjordanie et 38.8% dans la Bande de Gaza vivaient sous le seuil de pauvreté, soit au total un quart de la population!

Autre élément: la détention des enfants. Depuis plusieurs années, les enfants et adolescents se retrouvent en première ligne dans les arrestations opérées par les forces de l’ordre israéliennes. Il s’agit d’une stratégie délibérée visant à obtenir des informations en faisant pressions sur eux. Selon l’association B’tselem, une moyenne mensuelle de 420 enfants (dès 12 ans) et jeunes Palestiniens étaient en prison au premier semestre 2016, presque uniquement des garçons. Une grande part d’entre eux est emprisonnée et jugée par des tribunaux militaires, en violation du droit international. La durée d’incarcération est très variable: entre quelques heures, et jusqu’à plus de 6 mois! Un rapport du Ministère palestinien de la santé d’avril 2016 estime que 90% des mineurs ayant été emprisonnés ont subi des violences physiques, et 65% souffrent de perturbations psychologiques.

Quelles sont les principales manifestations du traumatisme subi?

Les conséquences de cette occupation sont désastreuses sur le bien-être social et psychologique de la population, et en particulier celui des enfants et adolescents. Elle génère des sentiments de colère, de frustration, d’humiliation et le sentiment d’être « pris au piège », qui augmentent les risques de développer des pathologies liées au stress et à plus long terme des maladies et troubles mentaux.

Pour les enfants/adolescents, l’expérience traumatisante de la détention provoque des troubles plus ou moins invalidants tels que: troubles du sommeil, énurésie, cauchemars, anxiété, perte d’intérêt et de concentration, dépressions. Les observations montrent principalement une incapacité grandissante à se projeter dans le futur et à interagir avec les autres (en famille et à l’école). La détention a également des impacts sur la famille et les proches des enfants, pendant et après leur emprisonnement: détresse et sentiment d’impuissance face à l’arrestation et la détention. Après la détention, les familles découvrent bien souvent des enfants/adolescents changés, qui refusent toute forme d’autorité.

Votre projet va bien au-delà d’un simple suivi psychologique. Quelles sont ses caractéristiques et sa méthode?

Depuis 2015, la CSSR – qui soutient des projets sanitaires en Palestine depuis 1984 – et Yes Theatre, son partenaire à Hébron (Cisjordanie), mettent en place un projet d’aide aux enfants ex-détenus avec une approche particulière: la dramathérapie. Cette approche consiste à utiliser des techniques théâtrales pour promouvoir la santé mentale et favoriser le développement personnel. Elle est souvent décrite comme une approche non-verbale qui permet de travailler parallèlement ou comme alternative à une thérapie verbale « classique ».

Les séances et ateliers de dramathérapie offrent des espaces qui permettent d’évoquer les pensées et les émotions et d’explorer les traumatismes passés ou présents (thérapie expressive). Les enfants, encadrés par des professionnels, créent et jouent des pièces de théâtre qui abordent la détention et ses impacts, ce qui permet au passage de sensibiliser la communauté. En effet, le rôle des parents, des proches, de l’école… est essentiel pour améliorer leur réintégration et bien-être psychosocial.

Bien qu’on ne guérisse pas d’un traumatisme psychologique comme d’une maladie, les succès sont-ils notables?

Le projet a déjà un grand mérite: il permet à des enfants de redécouvrir le jeu, les rires, alors qu’ils en ont été privés! Plus spécifiquement, les premières évaluations ont montré une amélioration dans différents domaines, notamment dans l’acceptation des autres, la capacité de travail en équipe, le niveau de concentration, la coordination du corps et des mouvements, les capacités de langage et d’improvisation, etc. A titre personnel, je pense que le principal succès de ce projet est de voir ces enfants et adolescents s’entraider, développer une solidarité avec leurs pairs et un engagement, comme l’exprimait Hassan, l’un des bénéficiaires:

«Je suis prêt à affronter n’importe quelle situation et ai surmonté la crise. J’aiderai tous les enfants à être conscients de l’expérience de la détention et à savoir comment y faire face. Je me battrai pour construire une famille dans le futur.»

C’est précisément ce genre de dynamique que la Centrale Sanitaire Suisse Romande recherche à promouvoir… depuis 80 ans!

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