Gauche(s): retour vers le futur

Gauche(s): retour vers le futur

par Olivier BESANCENOT*


Lois sécuritaires et liberticides, expéditions coloniales, menaces de guerre impériale, diminution des indemnisations des chômeurs, projet de Sécurité sociale à deux vitesses et préparation de l’attaque contre nos retraites: le gouvernement de droite mène bien une politique brutale de régression sociale. Une politique… de droite, en quelque sorte! Et qui appelle une riposte des syndicats, des associations, des partis de gauche, dans l’unité la plus large, sans exclusive, pour agir ensemble. Parce que c’est la condition du succès.


Dès septembre dernier, la LCR s’est adressée dans ce but à l’ensemble des forces de gauche. Les réponses des partis de l’ex-gauche plurielle ont tardé ou furent dilatoires. Ne mésestimons pas une difficulté réelle: les députés socialistes ont évidemment quelque mal à s’opposer frontalement aux lois Sarkozy qui, en grande partie, prolongent lois et projets du gouvernement Jospin. De même qu’il est sûrement difficile de se faire aujourd’hui le défenseur zélé des services publics, lorsque l’on a autant privatisé! (…)


Nous sommes favorables à l’action unitaire contre l’offensive de la droite. Sans préalable. Les appréciations forcément différentes que les uns et les autres tirent du gouvernement Jospin ne constituent pas un obstacle pour agir aujourd’hui ensemble. Deuxièmement: protester contre l’injustice d’un système qui menace de nous écraser est légitime. Mais notre contribution au débat politique ne s’arrête pas là. Lors de la campagne présidentielle, j’ai fait de nombreuses propositions: sur l’emploi (interdiction des licenciements), sur la répartition des richesses, sur les services publics, sur la démocratie. Entre autres. Pourquoi ne pas en débattre? Troisièmement: certes, nous ne saurions participer à des gouvernements de gauche qui géreraient le système économique et les institutions actuelles. C’est même pour ces raisons que nous avons combattu le gouvernement Jospin. (…)


Front antilibéral? Pôle de radicalité? De la part de personnalités, des rangs du PC ou des Verts, des appels se sont multipliés, témoignant d’une soif de reconstruire. Mais quel sens auraient des coalitions au contenu indéfini, sinon que d’entretenir la confusion? N’oublions pas que le bilan du gouvernement Jospin est aussi celui des Verts et du PCF…


Car, décidément, il existe bien deux gauches. L’une, la gauche autrefois baptisée «plurielle», a été gagnée au social-libéralisme. C’est le bilan de cette «gauche de marché» qui a été sanctionné le 21 avril dernier. L’autre gauche, la «gauche de la radicalité», est aujourd’hui fragmentée. Associative, syndicale et politique, elle est de toutes les initiatives altermondialistes, dans les mobilisations féministes et écologistes, aux côtés des salariés contre les licenciements, avec les chômeurs comme avec les sans-papiers, contre les menées guerrières impériales. Réunie dans les luttes, cette gauche est forte d’un potentiel aujourd’hui éparpillé: organisations révolutionnaires, militants écologistes, communistes et socialistes ne se reconnaissant plus dans la politique menée par leur parti et, surtout, cette myriade de militants syndicaux et associatifs qui font, vraiment, de la politique.


Le souci légitime du respect de leur autonomie provoque parfois des crispations à l’égard de formations politiques. Un débat décomplexé s’est cependant ouvert à Florence lors du Forum social européen. Constat: s’il y a disjonction, ce n’est pas entre «gauche sociale» et «gauche politique», entre «mouvement social» et partis politiques, mais entre gauche libérale et gauche radicale. Rassembler cette gauche radicale, construire une nouvelle force anticapitaliste, écologique et féministe, un débouché politique de référence pour le mouvement social, est depuis longtemps l’objectif de la Ligue. (…)


Des convergences existent. Divergences, méfiances ou raideurs subsistent. Les lever réclamera de nombreuses confrontations pratiques et, selon toute vraisemblance, un épisode fondateur, sur fond d’importants mouvements sociaux, dégageant suffisamment l’horizon pour que chacun considère que ses propres traditions et identités, forgées par son histoire particulière, se trouvent dépassées par les nécessités du moment.


Autant nous n’entendons pas servir de béquille de gauche à une alliance sans perspective anticapitaliste, autant il y a urgence à mener, dans des cadres unitaires les plus larges, les combats nécessaires du moment. Ils constitueraient, d’ailleurs, de premiers tests pratiques dans l’action, plus révélateurs que de longs discours, d’éventuelles futures convergences. Mais nous sommes également prêts à débattre avec toutes les forces se réclamant des gauches: sur les luttes à mener, sur le bilan du gouvernement Jospin, sur les perspectives d’une gauche de rupture, d’une «gauche de gauche».


Alors, rouges, verts, noirs ou arc-en-ciel, au-delà des drapeaux, avançons. Dans l’action. Et discutons. Pour agir. D’autant que les échéances de 2003 luttes sociales à commencer par les retraites, combat contre la globalisation capitaliste, réponses alternatives à y apporter sont d’une rare densité. Rendez-vous mondial de Porto Alegre. Contre-sommet du G8 à Evian. Préparation du deuxième Forum social européen à Saint-Denis. Que d’opportunités pour dégager des «pistes communes». Pour agir ensemble. Et plus, si affinités…


* Nous reproduisons cette prise de position d’Olivier Besancenot, candidat de la LCR au dernières élections présidentielles françaises, publiée par Libération du 8 janvier avec quelques coupures. Le texte complet est disponible sur notre site.