Grenfell - Symbole noir du mépris des pauvres

Symbole noir du mépris des pauvres

Le 14 juin, un incendie a ravagé la Grenfell Tower, près du centre de Londres. Dans l’arrondissement riche mais inégalitaire de Kensington et Chelsea, la catastrophe a viré à la tragédie. Elle est aussi un crime.


100 000 personnes ont défilé dans le centre de Londres le 1er juillet contre le gouvernement Conservateur et contre l’austérité- Loz Pycock

C’est une conséquence de la guerre des classes, menée d’en haut contre les pauvres, par une autorité locale à majorité conservatrice, très bonne élève de l’orthodoxie thatchérienne.

Avec ses 80 mort·e·s et 600 délogé·e·s, c’est un cas d’école, dont les effets politiques sont encore en train de se déployer. Il y aura pour des années, de nombreux enseignements à apporter sur les effets du «libre marché» dans le domaine du logement, couplé à des politiques agressives de dérèglementation, d’austérité, de coupes antisociales, de coupes dans les services publics indispensables, de privatisations et de sous-traitances, de spéculation immobilière débridée, fondée sur l’idée perverse que le logement n’est pas un droit, mais qu’il est surtout une marchandise. Et quant aux effets mortels du mépris pour les pauvres, pour les «assisté·e·s», pour leur vie… et pour les propos de leurs porte-­paroles ayant prédit la catastrophe et dénoncé ses auteur·e·s (v.encart ci-dessous).

Une lumière crue

La lumière des flammes de cet incendie atroce a été un puissant révélateur des résultats des politiques néolibérales énumérées ci-dessus, mais pas seulement. Elle fut aussi un révélateur de l’incapacité crasse du gouvernement May, de son entourage et de ses représentant·e·s à faire face à l’évènement sur les plans politiques et humains.

Comme aussi une démonstration des ressources remarquables d’organisations locales du mouvement social et ouvrier qui ont agi, sur le terrain, quand les autorités étaient paralysées, qui ont mis en œuvre une solidarité concrète matérielle et morale sans précédent, qui ont dit ce qu’il fallait dire quand les autorités étaient muettes et distantes…

C’est ce camp-là, le camp de la classe ouvrière et du peuple, qui est apparu organisé, responsable et répondant aux exigences de l’heure. Cette incapacité à gouverner de «celles et ceux d’en haut» a conforté et renforcé un profond sentiment populaire quant à l’illégitimité du gouvernement et à la supériorité politique et morale de l’opposition incarnée par Corbyn.

Pour le moment, le chef de l’autorité locale et son suppléant particulièrement impliqué dans la rénovation criminelle de la tour ont été «démissionnés». La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est leur volonté de tenir une réunion du conseil local, la première depuis l’incendie, à huis-clos – sans médias ni public. Quand la justice a dit l’illégalité du procédé, ils ont, simplement, annulé la séance. Mais la chute de May n’est pas loin et le sacrifice des martyrs de Grenfell y contribuera.

Pierre Vanek


Avertissement des habitants ignorés

C’est une idée terrifiante, mais le Grenfell Action Group croit fermement que seul un évènement catastrophique mettra à nu l’inaptitude et l’incompétence de notre propriétaire, la Kensington and Chelsea Tenant Management Organisation (KCTMO) et mettra fin aux conditions de vie dangereuses et au mépris de la législation sanitaire et sur la sécurité qu’ils infligent à leurs locataires… C’est notre intime conviction qu’un grave incendie dans une tour locative ou une propriété immobilière d’une densité analogue sera la raison la plus probable qui conduira ceux qui exercent le pouvoir à la KCTMO à être démasqués et traînés en justice.»

Ce sont les propos glaçants et prémonitoires des militant·e·s de l’association de quartier et d’habitant·e·s de Grenfell postés dans un blog en novembre 2016. Ils avertissaient le conseil communal et la régie de nombreux risques d’incendie, du manque de systèmes d’extinction, des défauts du câblage électrique causant souvent de petits départs de feu. Ils dénonçaient la «rénovation» purement cosmétique du bâtiment et le risque sérieux d’incendie induit par l’ajout d’une couverture extérieure visant juste à rendre la «vue» depuis les appartements de luxe environnants «plus fraîche et moderne»… Plutôt que d’écouter ces avertissements, l’autorité locale a attaqué le groupe en justice.

Source: counterfire.org


Des millions au goût de sang et de cendres

A signaler que l’autorité locale conservatrice n’a pas de dettes. Au contraire, elle a, au fil de sa politique antisociale, constitué des «réserves financières disponibles» à hauteur de 274 millions de livres… et aurait offert des cadeaux fiscaux à hauteur de 100 millions par an (chiffres 2014) aux contribuables aux plus haut revenus de l’arrondissement.

Le Guardian a révélé des documents montrant que les panneaux en alu avec un cœur inflammable destinés à la couverture des façades de la tour avaient été commandés à la demande des responsables locaux, plutôt que les panneaux en zinc ignifuges initialement prévus dans l’autorisation de construire, pour économiser de l’ordre de 300000 livres, sans évocation ni discussion des implications pour la sécurité.


C’est la classe

En janvier 2016, la majo-rité conservatrice aux Communes rejetait un amendement travailliste d’une loi sur le logement. Celui-ci imposait aux propriétaires des niveaux minimaux de protection des locataires en matière de sécurité et de santé, rendant les logements «propres à l’habitation humaine». Le ministre conservateur rejetant cette disposition a alors prétendu alors que «les autorités locales ont tous les pouvoirs nécessaires pour assurer la qualité et la sécurité des logements.»

Parmi les 312 élu·e·s conservateurs ayant voté contre cette disposition qui aurait notamment renforcé les exigences de protection contre le feu, 72 étaient recensés comme ayant un revenu issu de propriétés immobilières. Parmi ceux-ci se trouvait Nick Hurd, le nouveau ministre de May responsable des services de police et du feu… et en charge de l’enquête sur la catastrophe.