Trump retourne au charbon

Que Donald Trump soit un fieffé menteur, voilà ce que sa déclaration de dénonciation de l’Accord de Paris a confirmé une fois de plus. Sans craindre de raconter à peu près n’importe quoi, le climato-négationniste numéro un des Etats-Unis a aligné les contre-­vérités. Alors que l’Accord de Paris n’est qu’une déclaration d’intention sans engagements contraignants, il a réussi à chiffrer ses conséquences négatives pour les USA: une perte de 2,7 millions d’emplois et de 3000 milliards de $. Base de ce calcul? Son petit doigt.

Celui qui avait fait campagne sous le slogan «Redonner sa grandeur à l’Amérique» (Make America great again), veut aujourd’hui redonner sa grandeur au charbon, secteur où, dit-il, un recul de l’activité de 86 % est prévisible. Sauf que le charbon est déjà à la traîne dans le pays, parce que sévèrement concurrencé par le gaz de schiste, moins polluant et moins cher, sans que Paris n’y soit pour rien.

La rhétorique de Trump est assez simple: redonner sa grandeur aux Etats-Unis consiste à restaurer ce qu’il croit être la compétitivité de leurs entreprises en levant tous les obstacles à ce redéploiement de leur puissance économique. Les emplois, comme toujours, suivront. Les bénéfices d’aujourd’hui ne sont-ils pas les emplois de demain? Ecoutez donc l’homme à l’improbable tignasse: «L’Accord de Paris ne porte pas sur le climat, il porte sur l’avantage financier que d’autres pays obtiennent par rapport aux Etats-Unis. Le reste du monde a applaudi lorsque nous avons signé l’accord. Ils étaient heureux, pour la simple raison que nous souffrons d’un très très grand désavantage économique». Quant au Fonds vert pour le climat, qui date de la Conférence de Caucun (2010), il a pour but de «s’emparer de la richesse des USA pour la redistribuer aux pays en voie de développement […]. Cet argent devrait être investi ici, et pas envoyé à des pays qui ont saisi nos usines et nos emplois». Ce gigantesque hold-up – qui n’a rien, mais alors rien à voir avec les délocalisations des entreprises américaines dans les pays à bas salaires! – n’a été évidemment possible que parce que les Etats-Unis ont perdu en partie leur souveraineté: «Les chefs d’Etat de l’Europe et de la Chine ne devraient pas avoir plus à dire sur la politique des Etats-Unis que les citoyens américains. Nous ne voulons pas être la risée du monde. Nous ne le serons pas.»

Evidemment, ce langage de démagogue, cette négation du changement climatique (qui selon Donald Ier est un canular, un hoax, lancé par les Chinois) sont atterrants. La relation très distendue que le président américain entretient avec la réalité lui permet de sauter à pieds joints par dessus toute analyse scientifique pour rejoindre le vieux fonds créationniste bien vivace dans le pays.

Ce nouvel âge de l’obscurantisme couplé aux harangues guerrières de Washington pourrait, comme par réflexe, nous amener à défendre à tout pris l’Accord de Paris et à embellir rétrospectivement la politique suivie par Obama. Or, sous la présidence de ce dernier, la contribution déterminée au niveau national des Etats-Unis à l’Accord visait à réduire dans une fourchette entre 26 et 28 % les émissions de gaz à effet de serre en 2025. Les mesures prises par Obama ne permettaient que d’atteindre le 83 % de cet objectif, pas vraiment audacieux. Si les USA avaient signé le Traité de Kyoto, ils auraient dû atteindre un résultat similaire en 2012 au plus tard.

L’Accord de Paris possède deux avantages. Le premier est d’exister en tant qu’accord international, le second est de fixer un objectif, celui de rester «bien au-dessous de 2° C et de continuer les efforts pour ne pas dépasser 1,5° C». Les contributions déterminées au niveau national annoncées permettront tout au plus d’atteindre un réchauffement de 3 à 4° C à la fin du siècle. Ne rien faire, comme Trump le propose, ferait grimper le mercure à 6° C. Ce n’est pas rien, en tout cas très loin, des 0,2° C tirés de son chapeau par le locataire, peut-être provisoire, de la Maison-Blanche. Et cela implique une dégradation majeure des conditions de (sur)vie de l’espèce humaine.

La réponse ne peut pas résider dans des sanctions contre les Etats-Unis, comme certains les réclament. Même en précisant, comme Maxime Combes d’Attac France, que ces sanctions ne devraient pas toucher les travailleurs et travailleuses américains. Non seulement à cause du flou de la proposition, mais aussi parce que la règle d’or en matière de boycott solidaire reste la demande initiale des mouvements sociaux et politiques dans le pays concerné. Exiger ainsi le retour des Etats-Unis dans l’Accord n’est pas prioritaire. La priorité, ici et maintenant, est de revendiquer une augmentation, correspondante à la défection nord-américaine, des contributions déterminées au niveau national des signataires de l’Accord de Paris.

Daniel Süri