Hommage à Yves Velan (1925-2017)

Né à Saint-Quentin (département de l’Aisne, France), le 29 août 1925, d’un père suisse et d’une mère française, Yves Velan est décédé le 6 mai 2017 à La Chaux-de-Fonds. Il rédigea 3 romans (Je, La statue de Condillac retouchée, Soft Goulag), un conte (Le chat Muche), un pamphlet (Contre-pouvoir) et de nombreux articles. Un 4e roman, Le narrateur et son énergumène, paraîtra en 2018.

Dans les années 1930, sa famille rentre en Suisse. Après sa scolarité à Nyon, Yves Velan fait des études de lettres à l’Université de Lausanne. Il enseigne à Nyon, puis est durant deux ans lecteur à l’Université de Florence. Il participe à la revue Rencontre (1949–1952).

Membre du Parti suisse du Travail/Parti ouvrier et populaire (PST/POP), Yves Velan fait l’objet d’une interdiction professionnelle dans le canton de Vaud. En 1954, il s’établit à La Chaux-de-Fonds et enseigne les littératures française et russe jusqu’en 1991. Pendant 10 ans, dès 1968, il enseigne la littérature française à l’Université d’Urbana (Illinois).

De Je à Soft Goulag

Comme d’autres militants du PST/POP, Yves Velan reçut le choc du rapport de Nikita Khrouchtchev sur les crimes de Staline, au XXe congrès du PCUS (février 1956). En 1958, il quitte le POP neuchâtelois et adhère à un nouveau parti, la Nouvelle Gauche socialiste (NGS). Mais en 1963 la NGS est dissoute, une majorité de ses membres rejoignant alors le Parti socialiste. Un pas qu’Yves Velan ne franchit pas, restant sans affiliation partidaire. Cependant, il participe en 1970 à la fondation du Groupe d’Olten (scission à gauche de la Société suisse des écrivains).

En 1959, Yves Velan publie son premier roman, Je, (Prix Fénéon 1959 et Prix de Mai 1960). A travers le personnage du pasteur Jean-Luc Friedrich, il retrace l’atmosphère de la «chasse aux sorcières» anti-­communiste (dont lui-même fut victime).

En 1973, parution de La statue de Condillac retouchée: «Un ‹ Sujet › y tente d’élaborer une fable vérifiant le ‹ Savoir marxiste › et démontre l’inéluctabilité de l’effondrement du capitalisme. Mais ce projet se voit perturbé par le surgissement répété de l’inconscient et du corps: le désir et le mot s’insinuent dans un roman qu’ils pervertissent et qui ne parviendra pas à s’écrire» (Pascal Antonietti, Préface à Soft Goulag, 2017).

En 1977, Soft Goulag «se présente comme un récit de science-fiction, pas innocent du tout, pour lequel Velan s’est servi amplement de sa longue expérience des Etats-Unis» (Alain Bagnoud, écrivain valaisan). Pour Pascal Antonietti, «plus de dix ans avant l’effondrement du bloc socialiste, avec une sorte de prescience, Velan dénonce à travers sa fable ce que l’on nommera par la suite la ‹ pensée unique › et la disparition progressive de l’idée même d’une alternative économique et sociale».

En 1990, Yves Velan reçut pour son œuvre le Grand prix Charles-Ferdinand Ramuz, en 1992 le Prix de littérature du canton de Neuchâtel. Conclusion d’un grand connaisseur de cette œuvre: «Je suis personnellement persuadé qu’Yves Velan a écrit une œuvre romanesque capitale dans le paysage littéraire romand, mais aussi francophone» (Pascal Antonietti, L’Impartial, 9.5.2017).

Hans-Peter Renk

Brève bibliographie

  • Je: roman. Paris, Le Seuil, 1959 [Prix Félix Fénéon et Prix de Mai 1960]
  • «L’expérience de la Nouvelle Gauche neuchâteloise: ses raisons d’avoir été», Domaine Public, no 4 (18.12.1963): domainepublic.ch
  • La statue de Condillac retouchée: roman. Paris, Le Seuil, 1973
  • «Onir», Ecriture, no 9, 1973
  • Soft Goulag: roman. Vevey, B. Galland, 1977
  • Le chat Muche. Genève, E. Vernay, 1986 (L’otarie)
  • Soft Goulag / préface de Pascal Antonietti ; postface de Philippe Renaud. Carouge-Genève, Editions Zoé, 2017
  • Contre-pouvoir: lettre au Groupe d’Olten. Vevey, B. Galland, 1978
  • Pascal Antonietti, Yves Velan. New York & Amsterdam, Rodopi, 2005
  • Alain Bagnoud, «Portrait d’Yves Velan» (2006), bagnoud.blogg.org