Te former ou porter le voile, il faut choisir!

Lundi 15 mars, un collectif d’étudiant.e.s de la Haute école de travail social (HETS) à Genève a lancé une grève dénonçant les discriminations dont une élève voilée est victime.

En deuxième année, 6 mois de formation pratique sont prévus pour chaque étudiant.e et cette étape est indispensable pour continuer son cursus scolaire. La HETS garantit d’ailleurs une place pour chacun.e. Or, la jeune femme en question cherche désespérément un stage depuis plusieurs mois, les portes des établissements sociaux se fermant une à une devant elle à cause de son voile. Le seul entretien qu’elle ait réussi à décrocher, sans annoncer au préalable son voile, s’est finalement terminé par un refus, l’équipe ayant argué que son voile véhiculerait une mauvaise image de «la» femme et contreviendrait donc aux valeurs que l’institution promeut.

La situation est critique puisqu’à l’heure actuelle, l’étudiante n’est toujours pas sûre de pouvoir continuer sa formation. Quand le processus d’engagement se passe normalement, le choix des stages est déjà stressant pour les élèves, tant la pression pour obtenir une place intéressante pour la suite de leur carrière professionnelle est forte. Dans le cas de cette étudiante, cela devient un véritable calvaire et pire encore, cela pourrait signifier la fin de ses études.

Une vision douteuse de la «laïcité»

Alors que la HETS se targue d’une ligne de formation basée sur le non-jugement et un travail de réflexion autour des aprioris (on peut d’ailleurs lire sur le site web que l’école «débat des problèmes de société, du vivre ensemble, de l’exclusion psycho-sociale»), il est déconcertant de constater le peu d’entrain à soutenir et régler le problème auquel l’étudiante doit faire face. Au lieu de cela, certains membres du corps enseignant ont demandé à la jeune femme si elle ne pouvait pas envisager de retirer son voile, de «s’assouplir» un peu.

Ce que cette jeune femme subit n’est autre que de l’islamophobie, mêlée à du sexisme. En effet, l’argument principal lui ayant été rabâché lors des réponses négatives à ces postulations, est la laïcité. En son nom, le délit de faciès et la discrimination à l’embauche se trouvent être normalisés. Une institution genevoise peut refuser sans complexe d’embaucher une jeune femme souhaitant se former, simplement à cause d’un morceau de tissu sur sa tête. Sous couvert d’une neutralité religieuse, l’impossibilité de porter tout «symbole» religieux stigmatise en premier lieu les femmes musulmanes porteuses de voiles.

Il paraît donc nécessaire de rappeler ce qui devrait être la définition de la laïcité pour toutes et tous: une stricte séparation de l’église et de l’État, ce dernier n’ayant par ailleurs aucune légitimité pour édicter des normes d’habillement «laïcs». Ces principes ne touchent souvent que l’Islam et les femmes, à qui l’on enjoint de se dévoiler.

Femmes soumises?

La deuxième justification qui a été mise en avant pour expliquer à cette élève qu’elle n’était pas la bienvenue, c’est le symbole de femme soumise qu’elle renverrait en étant voilée. Là encore, il est primordial d’évoquer une nouvelle fois la portée sexiste et coloniale que possède ce genre de propos. Décider à la place d’une femme quelle tenue fait d’elle une femme émancipée ou non, l’assignée à un statut de femme soumise ou non, n’est-ce pas là une forme d’oppression? Une femme se voyant contrainte de se dévoiler au travail au nom de la «libération des femmes musulmanes» ne se verrait pas précisément soumise à la volonté de son «libérateur»?

Le voile est encore bien souvent réduit à un outil d’oppression sexiste. Une nouvelle génération de femmes, se définissant comme féministe musulmane, affirme pourtant que leur voile est un outil de lutte. Comment se fait-il que des institutions genevoises, favorisant pourtant l’émancipation de leurs bénéficiaires marginalisé.e.s par une société excluante, ne fassent pas confiance à ces femmes qui décident de porter le voile? Cette étudiante, par sa détermination à trouver un lieu de stage qui l’accepte telle qu’elle est, sans accepter ce chantage raciste, Nargesse Bibimoune, qui vient de publier un livre Confidence à mon voile et toutes les femmes qui se battent pour avoir le droit de vivre (et de se vêtir) comme elles l’ont décidé n’ont-elles pas à maintes reprises prouvé qu’elles sont bien loin d’être des femmes soumises?

Quelle que soit l’issu de cette histoire, solidaritéS soutient ce mouvement étudiant et se positionne en allié dans les démarches qu’entreprendra cette élève afin de pouvoir poursuivre ses études, ou dénoncera le manque de combativité de la HETS si elle décide de s’arrêter là. Cette situation démontre que, même si les cas d’islamophobie ne défraient pas la chronique tous les jours à Genève, ils sont malheureusement bel et bien présents. Il est donc urgent, comme l’a fait le collectif d’étudiant.e.s, de continuer à se mobiliser et à se battre, pour ne pas laisser les principales concernées isolées face à ces violentes discriminations.

Zoé Bon