Les prisonniers palestiniens luttent pour rendre à tout un peuple son humanité, sa dignité et sa liberté

La grève de la faim  de plus de 1500 prisonniers·ères palestiniens nous angoisse et nous interpelle depuis un mois. D’après les échos qui nous parviennent de Palestine, cette grève suscite de très nombreuses actions de solidarité, comme les campements et tentes installées dans les villes et villages de Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, ainsi que des manifestations qui sont systématiquement et très brutalement réprimées, notamment en Cisjordanie. Un exemple parmi les plus récents: le 13 mai, l’armée israélienne a tué un jeune manifestant civil et en a grièvement blessé trois autres à l’entrée du village de al-Nabi Saleh, alors qu’ils manifestaient pour les prisonniers.

Des bribes d’informations sur le déroulement quotidien de la grève – qui nous parviennent grâce aux très rares visites d’avocats – ne peuvent qu’augmenter l’inquiétude, à trente jours du déclenchement de la grève. L’état de santé des grévistes se détériore gravement, alors que les conditions carcérales accélèrent leur état d’épuisement: violences physiques durant les fouilles, nombreux transferts de cellule ou de prison, isolement prolongé pour certain·e·s et sur-occupation des cellules (une dizaine de prisonniers par cellule). Nous sommes aussi sans nouvelles concernant les méthodes employées pour les alimenter de force. D’autant plus que pour beaucoup de prisonniers·ères en grève, les possibilités de communiquer avec l’extérieur se sont réduites drastiquement.

Alors que la détention même  de personnes des Territoires Occupés dans des prisons situées sur le territoire de la puissance occupante constitue une violation de l’art. 76 de la Quatrième Convention de Genève, il peut paraître étonnant que cette grève, qui peut se révéler fatale pour certain·e·s détenu·e·s, porte sur des revendications qui se limitent aux conditions de détention: l’augmentation de la fréquence et des personnes autorisées à rendre des visites ; l’amélioration de l’accès aux soins médicaux ; la fin de la détention en isolement et la fin des détentions administratives qui autorisent, sans jugement, l’incarcération durant 6 mois, renouvelable indéfiniment. En limitant leurs revendications aux conditions de vie carcérale qui leur sont imposées, les prisonniers·ères donnent le sens ultime à leur combat: être considéré et traité comme tout autre prisonnier·ère – en l’occurrence des Israélien·ne·s – qui se trouvent parfois dans les mêmes prisons.

Les grévistes de la faim de­man­dent en effet qu’Israël reconnaisse aux prisonniers·ères palestiniens le minimum en matière de droits humains, le respect et l’application des conventions internationales et des droits des personnes détenues qui constituent des obligations auxquelles aucun pays ne peut se soustraire. En cela, la lutte des grévistes de la faim s’identifie totalement avec celle que mène le peuple palestinien depuis septante ans contre la volonté d’un Etat colonial et raciste de l’effacer de la communauté humaine, pour détruire son territoire, pour le rayer de l’histoire.

La reconnaissance pour les prisonniers·ères palestiniens de la dignité et des droits accordés à tout être humain tout comme pour le peuple palestinien dans son ensemble, y compris les réfugié·e·s et les palestinien·ne·s citoyen·ne·s d’Israël, est une exigence fondamentale pour envisager une paix dans la justice.

Il y a encore beaucoup à faire, individuellement et collectivement, notamment avec les campagnes de boycott, de désinvestissement et de sanctions que nous soutenons pour exercer une pression afin qu’Israël reconnaisse les droits du peuple palestinien et applique le droit international. Aux côtés des actions de boycott individuel, il devient toujours plus urgent de développer des actions de désinvestissement collectif.

Il serait grand temps que nous interpellions nos banques pour exiger qu’elles publient le montant de leurs participations dans des entreprises qui œuvrent pour, ou qui profitent directement de la colonisation, de la répression et de la négation des droits élémentaires du peuple palestinien. Ensuite, il faudrait appeler à retirer l’argent placé dans ces banques.

Il serait grand temps également d’interpeller la Confédération, les cantons et les communes afin que nos collectivités publiques sanctionnent, au lieu de soutenir, la politique d’oppression coloniale de l’Etat d’Israël.

La négation du droit d’un peuple à son humanité, à la dignité et à la liberté enlève ces mêmes droits à l’humanité toute entière.

Tobia Schnebli