Des millions de femmes en marche pour rejeter Trump et ses politiques

Notre camarade et correspondant Dan La Botz, était avec les manifestant·e·s dans la rue à Washington samedi dernier. Il nous a envoyé ce compte-rendu à chaud.

Des millions de femmes de par le monde ont manifesté samedi 21 janvier pour dire leur rejet de la présidence du républicain Donald Trump, comme de son discours et de son comportement vulgaires et misogynes et de ses politiques anti-femmes.

Katie Bordner

Pour son premier jour entier comme président, Trump a été accueilli à Washington par une magnifique manifestation rose de femmes protestataires lui promettant qu’il aurait à affronter quatre ans de résistances. Aux USA, ce sont de l’ordre de quatre millions de personnes au total qui ont participé à l’une des plus grandes manifestations de protestation de l’histoire du pays, signalant ainsi un réveil du mouvement des femmes. La marche principale a eu lieu à Washington D.C., mais il y a eu environ 700 marches sœurs, certaines de centaines de milliers de participant·e·s, beaucoup avec des dizaines de milliers de manifestant·e·s, qui se sont déroulées dans des douzaines d’autres villes des USA, appuyées par bien d’autres sur chaque continent.

«Touche pas, ni à ma chatte, ni à mes droits!»

De nombreuses femmes portaient des pancartes telles que «Garde tes sales doigts loin de ma chatte et de mes droits!», une allusion aux remarques de Trump se vantant qu’il attrapait femmes par leurs organes génitaux. Nombre de femmes et d’hommes portaient des couvre-chefs roses qu’ils·elles avaient pour la plupart cousus ou tricotés, appelés pussy hats pour l’occasion, tout en chantant des slogans tels que: «Les immigrant·e·s sont les bienvenus ici!»

Les pancartes des protestataires se centraient sur les thèmes féministes, beaucoup proclamaient «Sale bonne femme», une allusion à une remarque de Trump à propos de la candidate démocrate Hilary Clinton dans les débats de la présidentielle. Des femmes ont adopté l’insulte de Trump comme emblème honorifique, fières de se proclamer, elles aussi, de «sales bonnes femmes». D’autres femmes ou hommes portaient cependant des pancartes avec des messages progressistes sur pratiquement tous les sujets, allant de «Les vies noires, ça compte!» (Black lives matter!) sur certaines à «Stop au changement climatique!» sur d’autres.

La marche anti-Trump était audiblement en colère, mais elle était aussi jubilatoire: avec des femmes enthousiasmées par la mobilisation massive de leurs sœurs partageant leur opinion, mais accueillant aussi chaleureusement les hommes qui les soutenaient. Comme pour ma belle-fille, pour nombre de femmes, c’était leur première marche de protestation. Elles étaient venues en bus, en voitures, et en train, la plupart en groupes, mais certaines aussi ayant voyagé seules pour être présentes ensemble. Dans les discussions, certaines femmes ont remarqué qu’elles voyaient le mouvement du jour comme le début d’un long combat contre Trump, son administration et ses politiques.

A Washington D.C., où j’ai marché avec ma femme, ma belle-fille et mon fils, un demi-million de personnes de toute la côte Est se sont rassemblées, avec peut-être 20 % d’hommes et 80 % de femmes. En discutant avec elles, on voyait que c’étaient pour la plupart des femmes de la classe ouvrière ou de la classe moyenne qui s’étaient senties insultées par Trump et qui voulaient réagir par une affirmation tant collective que personnelle. Alors que la marche de Washington était avant tout une marche de femmes blanches, avec quelques participant·e·s noir·e·s, une autre de mes belles-filles, ayant manifesté à New York, me rapportait que la manif y comprenait 20 % environ de noir·e·s et de latinos.

Les manifestations étaient également plus diverses quant à leur composition à San Francisco et à Los Angeles, mais – malgré le fait que les organisatrices en vue de la manifestation étaient des femmes de couleur, à la tête d’ONGs et d’associations diverses – la marche n’est pas parvenue à surmonter le fossé historique entre féminisme blanc et femmes noires.

La couleur politique de la marche

L’atmosphère politique était pour l’essentiel libérale. La plupart des femmes participantes avaient voté pour la démocrate Clinton et étaient déçues de sa défaite. On voyait des pancartes pro-Hilary et pro-Obama. D’autres appelaient à l’élection en 2020 d’une femme à la présidence, certaines étaient en faveur de la Sénatrice libérale Elizabeth Warren du Massachusetts et d’autres de la Première dame Michelle Obama. Dans la vague massive de féministes libérales, les groupes de gauche ne représentaient qu’une goutte dans la mer.

Les orateurs·trices au rassemblement de Washington incluaient la dirigeante féministe de la première heure Gloria Steinem, l’intel­lectuelle et activiste radicale anti-prisons Angela Davis, la maire de Washington D.C. Muriel Bowser et l’activiste transgendre et hôte de show-TV Janet Mock. Ces orateurs·trices, et d’autres, ont condamné Trump et le parti républicain pour leurs politiques visant à priver les femmes du droit à l’avortement, de l’accès à la contraception, comme aussi à démanteler l’Affordable Care Act, dit Obamacare, à restructurer le programme de santé Medicaid destiné aux familles et individus à bas revenus, deux attaques antisociales particulièrement dommageables pour les femmes.

L’atmosphère politique de la marche reflétait ses soutiens officiels: Planned Parenthood, un organisme qui fournit des services de santé aux femmes dans le domaine de la reproduction, le National Resources Defense Council (NRDC), organisation de défense de l’environnement, Emily’s List, une organisation de soutien aux candidatures électorales féminines, NARAL Pro-Choice America, organisation de défense du droit à l’avortement, l’American Civil Liberties Union (ACLU), l’organisation de défense des droits civils, l’American Federation of Teachers (AFT), syndicat des enseignant·e·s, la section Est du syndicat de la santé United Health Care Workers et MoveOn.Org, un lobby politique progressiste. La marche a aussi été soutenue par des centaines d’autres organisations, pour la plupart féministes.

Certains syndicats, principalement l’American Federation of Teachers et la Service Employees International Union (SEIU – Syndicat international des employé·e·s des services) soutenaient officiellement la protestation, d’autres syndicats notamment United Auto Workers et United Steel Workers (travailleurs·euses de l’automobile et de la métallurgie) étaient aussi modestement représentés, mais on ne sentait guère de présence organisée du mouvement ouvrier.

Les femmes des USA ont pris les devants en lançant la résistance à Trump avec leur manifestation de colère fantastique, joyeuse et émouvante. Elles savent, comme nous le savons aussi, que ce n’est que le début de quatre années longues et difficiles, et que le rassemblement des troupes en marche n’est que le prélude à la bataille. Mais si le mouvement continue à être dominé par une orientation politique libérale, il ne sera pas en mesure d’atteindre ses objectifs, dont seul un chamboulement radical de notre société peut permettre la réalisation.

Dan La Botz