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A lire : Sur les traces de la Suisse rebelle

Le Courrier consacre un numéro hors-série à l’histoire et aux lieux de la contestation en Suisse. Captivant et nécessaire.

Le mythe d’une Suisse pacifiée, neutre et sans conflit, a la peau dure. On ne peut donc que se réjouir de cet effort de la part du Courrier, qui rassemble ici inédits, interviews et anciens articles pour parcourir cinq siècles de contestation en Suisse: des révoltes paysannes aux mobilisations altermondialistes, sans oublier les luttes syndicales et les grèves. Cet hors-série permet de parcourir la Suisse géographiquement pour laisser voir que, sous le vernis du consensus, ce pays a été secoué d’élans révolutionnaires, de répressions sanglantes et de conflits multiples. Le numéro porte notamment une attention particulière à la question des luttes urbaines, à la fois pour en saisir les traces dans le patrimoine architectural et pour réfléchir à cet enjeu au cœur de plusieurs mobilisations actuelles.

La lecture agréable nous fait cheminer d’épisodes conflictuels en lieux de contestation. On mentionnera ici, parmi les étapes de ce parcours historique, le soulèvement des paysans à Murifeld contre la cité-Etat de Berne, la grève des ouvriers sur le chantier du Gothard, le campement des Indignés au parc des Bastions ou encore la lutte des employé·e·s des CFF au Tessin. La mention dans ce numéro de ces différents noms de lieux ou d’institutions, fortement associés à une «identité suisse» sans cesse rabâchée, indique que l’histoire de la Suisse n’est pas monocorde et que des conflits ont secoué le développement de cette nation.

Faire connaitre cette histoire est important, mais le mérite de plusieurs articles est de ne pas s’arrêter à cette évocation du passé pour en questionner l’actualité. Les traces d’une Suisse rebelle restent présentes dans différents lieux, s’inscrivent dans le paysage urbain et résonnent avec l’actualité. Faire entendre les luttes du passé, c’est ainsi s’opposer à l’histoire pacifiée des vainqueurs et donner de la force aux «rebelles» d’aujourd’hui.

Pierre Raboud