RIE 3

RIE 3 : Convaincre les 99 % de voter NON

Le 12 février prochain, nous voterons sur la Troisième Réforme de l’imposition des entreprises (RIE 3), qui concerne l’impôt sur le bénéfice des sociétés. Présentée par le Conseil fédéral (CF) comme une mesure qui supprime les privilèges fiscaux réservés à certaines multinationales, il s’agit d’une gigantesque arnaque visant à baisser massivement l’imposition de toutes les grandes entreprises. Les collectivités publiques y perdraient au moins 5 milliards de francs par an, entraînant un durcicement brutal de l’austérité et une hausse des impôts des personnes physiques. Un référendum fédéral a été déposé en octobre 2016 (notamment par solidaritéS). Une campagne de votation a d’ores et déjà démarré.


La perspective de nouveaux cadeaux fiscaux n’empêchera pas, au contraire, les multinationales de licencier

Comme son nom l’indique, la RIE 3 est le dernier en date d’une série de paquets fiscaux visant à diminuer les charges des entreprises. La RIE 1, entrée en vigueur en 1997, avait allégé celles des holdings, supprimé l’impôt fédéral sur le capital et réduit le taux d’imposition des bénéfices. Ensuite, la RIE 2, acceptée en votation en 2008 (à une faible majorité de 51%), avait réduit d’environ 50% l’imposition de la part des bénéfices distribuée sous forme de dividendes. A son propos, le Conseil fédéral (CF) déclarait qu’elle ne coûterait «que quelques dizaines de millions de francs», alors qu’il a dû admettre depuis une véritable saignée de… 7 milliards de francs sur dix ans.

Des cadeaux fiscaux d’une ampleur sans précédent

Aujourd’hui, la RIE 3 entend réduire plus fortement encore l’imposition des profits. Et comme l’annonce le CF dans son message, on «doit s’attendre à […] d’autres réformes de l’imposition des entreprises». En effet, chaque régression fiscale encourage la suivante, sous la pression du patronat et de ses représentants politiques. A terme, c’est la suppression totale de l’imposition des bénéfices qui est visée, et c’est aussi cela qu’il faut stopper en votant non le 12 février prochain.

La RIE 3 se traduirait par une diminution massive des taux d’imposition cantonaux sur les bénéfices des sociétés. Après Jean Studer à Neuchâtel, P.-Y. Maillard a conduit la majorité rose-verte du gouvernement vaudois à jouer les ambassadrices de cette réforme violemment antisociale en faisant plébisciter une baisse de ce taux de 21,8% à 13,8%. Les gouvernements des autres cantons ont suivi, provoquant un nouveau round de dumping fiscal: Genève annonce ainsi une baisse de 24,2% à 13,5% ; Zurich, de 21,2% à 18,2% ; Zoug, de 14% à 12% ; Fribourg, de 19,7% à 13,7% ; Bâle-Ville, de 22,2% à 13% ; Bâle-Campagne, de 20,3% à 14% ; le Valais, de 21,6% à 15,6%. Et ces taux au rabais seraient encore fortement diminués par l’explosion des déductions admises. Les pertes de recettes des cantons et communes seraient certes très partiellement compensées par une augmentation de la part cantonale à l’impôt fédéral direct (IFD), de 17% à 21,2%, mais celle-ci viderait encore plus les caisses fédérales…

La RIE 3 introduirait aussi une batterie de nouvelles niches fiscales: certains cantons en useraient à plein, d’autres en feraient un savant dosage, tandis que la Confédération opérerait ses propres réductions. Par exemple, une grande entreprise genevoise serait taxée au minimum à 5,6% au niveau cantonal et communal, alors que son taux d’imposition fédéral pourrait tendre vers zéro grâce aux dispositions nouvelles de la loi. Ces mécanismes et les modalités de leur mise en œuvre sont d’une grande complexité, et donc d’une forte opacité. Une bonanza pour les experts fiscaux des grandes sociétés face à des administrations cantonales de plus en plus démunies… alors que les Chambres ont rejeté la proposition d’engager des inspecteurs fiscaux supplémentaires.

Faire campagne à gauche

Il aura fallu beaucoup d’appels du pied pour que le PSS se décide à lancer un référendum contre la RIE 3. Mais sa campagne pour le non, le 12 février prochain, va dérouter la grande majorité de la population. Au lieu de dire clairement que la RIE 3 représente un gigantesque cadeau au grand patronat, le PSS déclarait, le 29 novembre dernier: «C’est nous, la classe moyenne, qui recevrons et paierons la facture». De qui parle-t-il? En réalité, des salarié·e·s, des retraité·e·s, des jeunes en formation, des usagers·ères des services publics, somme toute, de la grande majorité de la population, et parmi elle, en particulier, des couches les plus modestes et précarisées. «Il ne faut pas que la campagne soit marquée à gauche», ne cesse pourtant de répéter la direction du PSS dans les réunions du comité référendaire…

De notre côté, nous ferons une campagne contre les programmes d’austérité que justifie déjà la RIE 3 aux niveaux fédéral, cantonal et communal, qui se durciraient massivement si elle devait être adoptée. Nous mettrons la défense du financement des assurances sociales, des prestations et des services publics au centre des préoccupations de la population. En ce qui concerne l’emploi, dont la droite va faire son cheval de bataille, nous montrerons que la perspective de nouveaux cadeaux fiscaux n’empêche pas les entreprises de licencier, bien au contraire, comme l’illustre aujourd’hui le groupe Richemont, que ses 2,4 milliards de bénéfices déclarés pour l’exercice 2015–2016 n’ont pas incité à renoncer à supprimer 211 postes de travail chez Piaget et Vacheron Constantin. Et ceci, sans parler des réductions d’effectifs auxquelles les collectivités publiques seraient évidemment contraintes.

Pierre Conscience