Mendicité interdite

Mendicité interdite : Un référendum contre la xénophobie soutenue par les calculs électoraux

Le Grand Conseil vaudois a voté le 27 septembre dernier une interdiction de la mendicité sur tout le territoire cantonal. Une mesure aussi choquante qu’inutile à l’égard des personnes les plus précaires. Pour s’y opposer, un comité s’est constitué, réunissant des associations comme Mère Sofia, Emmaüs ou Oprerom, des communautés religieuses comme celle de Sant’Egidio ainsi que des partis de gauche (solidaritéS, POP, Verts, Jeunesse socialiste et Jeunes Vert·e·s).

Le «Comité  contre l’interdiction de la mendicité » a annoncé le lancement d’un référendum qui débutera le 25 octobre prochain. 60 jours pour récolter 12 000 signatures valables, voilà l’effort considérable à réaliser. En parallèle, les opposants au texte de loi ont adressé le 10 octobre dernier une lettre au Conseil d’Etat lui demandant de revenir sur ce texte de loi, afin qu’il assure le «respect du droit fondamental à demander l’aumône […] tout en sanctionnant toute forme d’exploitation de la mendicité.»

A l’origine, il s’agit d’une initiative cantonale de l’UDC pour une interdiction totale de la mendicité. Un texte aussi absurde qu’inhumain. Absurde, parce que l’exemple genevois a montré que l’interdiction ne mène nulle part. Elle n’empêche pas la mendicité d’exister, car les personnes amenées à tendre la main ne sont pas retenues par une interdiction légale. En revanche, elle engendre depuis deux ans une vraie usine à gaz administrative, ne servant qu’à générer des amendes à la pelle, adressée à des personnes qui ne pourront jamais les payer. Inhumain aussi, car il s’agit de criminaliser les plus pauvres, sans prendre aucune mesure contre les causes de la pauvreté grandissante dans notre canton. Où va une société qui octroie des privilèges fiscaux (RIE 3) aux plus nantis, tout en persécutant les personnes les plus démunies?

Médiocres calculs électoraux

Le Conseil d’Etat avait prévu un contre-projet visant à maintenir l’autorisation de la mendicité, tout en fixant des cadres prohibitifs lorsque des enfants sont concernés ou pour sanctionner des réseaux d’exploitation humaine. Un contre-projet que nos élu·e·s ont soutenu, non par grande conviction sur un sujet aussi hypocrite, mais bien pour faire barrage à la démarche raciste de l’UDC. Sans contre-projet, l’initiative avait de bonnes chances d’être acceptée en votation.

Mais les député·e·s au Grand Conseil n’ont pas pu se prononcer sur ce contre-projet, le texte de l’initiative ayant d’emblée été adoptée à une courte majorité (60 oui, 56 non, 5 abstentions). Première responsable l’UDC, évidemment, qui a soutenu son initiative. En partenaire indéfectible, le PLR, dont le soutien massif au projet de leur allié a donné un avant-goût du climat de la campagne électorale de 2017. Mais ceci ne suffisait en principe pas à faire la majorité du plénum. Il aura fallu pour cela un taux d’absence significatif dans les rangs du PS et des Verts, doublé de l’abstention de 5 député·e·s écologistes et même d’un vote favorable!

On voit bien le jeu politicien prendre le dessus sur des valeurs aussi fondamentales que la défense des droits des personnes les plus précarisées. Les élections cantonales approchant à grand pas, certains député·e·s n’ont guère envie de s’exposer sur un sujet aussi épineux. Des préoccupations fort regrettables, pour ne pas dire inacceptables, qui en ont surpris plus d’un·e. Nombreuses ont été les voix, de gauche et du centre à s’indigner après coup de ce résultat, comme Raphaël Mahaim ou Anne-Catherine Menetrey des Verts. Toujours est-il que le mal est fait, les issues à cette situation étant désormais pour le moins difficiles à trouver.

Un référendum quand même

Heureusement, la réaction ne s’est pas fait attendre. solidaritéS Vaud a publié un communiqué de presse annonçant sa disposition au lancement d’un référendum réunissant un front large d’organisations. Les réponses furent nombreuses, rapides et continuent d’affluer de toutes parts. Ce contexte a permis l’annonce le 10 octobre du lancement d’un référendum dès que la loi sera publiée (le 25 octobre). De nombreux acteurs ont depuis rejoint le camp des référendaires, comme les Verts vaudois.

En parallèle, la démarche parlementaire poursuit son chemin. Des députés de six partis allant du groupe La Gauche (POP et solidaritéS) au centre droit ont déposé une interpellation demandant au Conseil d’Etat de revenir devant le parlement et de proposer un assouplissement de la nouvelle loi. Le gouvernement devrait annoncer prochainement un plan d’action pour réviser la loi et empêcher une interdiction intégrale. Le Comité référendaire jugera alors si l’annonce du Conseil d’Etat est satisfaisante et déterminera la suite de son action en fonction de son évaluation.

Pierre Conscience