Stratégie énergétique 2050

Stratégie énergétique 2050 : Deux paquets différents

A peine le 1er paquet de la stratégie énergétique 2050 est-il accepté par le parlement fédéral que l’UDC se lance dans un référendum. On peut bien reprocher à cette première série de mesures d’être trop peu ambitieuse face aux défis du changement climatique, mais c’est le 2e paquet proposant d’instaurer un système non contraignant basé sur une taxe antisociale tout en mettant fin aux subventions pour les énergies renouvelables et la rénovation des bâtiments qu’il s’agira de combattre.


Evolution de la demande et des types de production d’énergie selon le scénario du Conseil fédéral (en TWh)

Depuis que la décision  a été prise au parlement d’abandonner (très) progressivement le nucléaire tout en diminuant les émissions de CO2 liées à la production d’énergie, le Conseil fédéral s’est lancé dans la conception d’un plan de transition énergétique nommé Stratégie énergétique 2050 (SE 2050). En résumé, «la SE2050 vise à réduire la consommation d’électricité et d’autres énergies finales, à accroître la part des énergies renouvelables et à diminuer les émissions de CO2».

Allant dans ce sens, deux importantes mesures ont été mises en place avant même la création de la SE 2050. La première, instaurée en 2007, est la Rétribution à prix coûtant (RPC) du courant injecté. Pour faire simple: si le coût de la production d’électricité par des sources d’énergies renouvelables est plus élevé que le prix de vente, l’Etat rembourse la différence au producteur. Cette mesure est financée par une taxe dénommée « supplément sur les coûts de transport du réseau haute tension ». La seconde, instaurée en 2009, est le Programme bâtiment qui prévoit une rénovation du parc immobilier suisse avec, à la clé, des diminutions d’émissions de CO2 faramineuses (73 100 tonnes de CO2 économisées dès la première année d’application). Le Programme bâtiment, ainsi que d’autres fonds pour le développement écologique, est financé par la taxe CO2 sur les combustibles fossiles. Le premier paquet de la SE 2050, accepté par les Chambres fédérales début octobre, prévoit un renforcement de ces mesures avec, par exemple, un objectif minimum de 11 400 GW produits par des énergies renouvelables d’ici 2035, soit presque quatre fois plus qu’actuellement.

L’extrême droite, bouleversée par le poids insupportable que ces contraintes feraient peser sur la fragile économie suisse, s’est donc précipitée sur le référendum tout en proposant sa propre vision de la transition énergétique: la construction d’une centrale nucléaire dernier cri d’ici 2030.

Un second paquet plus inquiétant

Plus inquiétant par certains aspects, le second paquet de la SE 2050, publié par le Conseil fédéral en octobre 2015, supprimera purement et simplement les mesures d’encouragement précédemment citées dès 2021. A la place, «un système incitatif en matière climatique et énergétique» prendra le relai.

Premier point important de ce changement de système: la suppression de la taxe CO2 sur les combustibles fossiles et du supplément sur les coûts de transport du réseau haute tension, qui seront remplacés par une taxe climatique (taxe sur les combustibles et les carburants) et une taxe sur l’électricité. Invoquant des difficultés techniques et légales, le Conseil fédéral annonce déjà que l’électricité produite au moyen de sources renouvelables sera taxée de la même façon que l’électricité produite par le nucléaire et le fossile. Notons également que les entreprises à forte consommation d’énergie et émission de gaz à effet de serre auront droit à des allègements de taxe, comme c’est le cas actuellement.

Second point: le produit de la taxe climatique et de la taxe sur l’électricité sera intégralement reversé à la population et aux entreprises. Cette redistribution sera calculée par habitant, autrement dit chaque personne résidant en Suisse percevra le même montant. Pour les entreprises, la redistribution sera proportionnelle à la masse salariale soumise à l’AVS. Le but de cette stratégie du « pollueur-payeur » est d’inciter les usagers à diminuer leur consommation d’énergie afin de recevoir davantage que ce qu’ils ont payés en taxe, ou au minimum d’éviter une charge nette.

Pas d’obligation d’efficience énergétique

Parmi les implications de ce second paquet de la SE 2050, au moins deux sont importantes à souligner. Premièrement, la redistribution intégrale du produit des taxes implique la fin du subventionnement au Programme bâtiment, à la RPC et à toute autre mesure d’encouragement en matière énergétique mise en place jusqu’ici. En contrepartie, c’est la responsabilité individuelle qui prime, chacun·e étant responsable de diminuer sa consommation d’énergie en faisant les investissements nécessaires. Ce type de mesure impose une charge supplémentaire aux ménages à revenu modeste et sous-entend que les problèmes environnementaux peuvent être réglés par une modification des comportements individuels, alors qu’il s’agit d’un problème de société. Deuxièmement, le système présenté par le Conseil fédéral est bien incitatif et nullement contraignant. Si les revenus d’un individu ou les bénéfices d’une entreprise lui permettent de s’acquitter de la taxe, aucune obligation n’est formulée pour amener à plus d’efficience énergétique et pousser au développement des énergies renouvelables.

Un programme de transition énergétique adéquat requiert un abandon programmé total des énergies d’origine fossile et nucléaire couplé au passage vers les énergies renouvelables. Réaliser des économies en améliorant l’efficience énergétique des ménages et des moyens de production est également une bonne mesure qu’il s’agit d’imposer tout en opérant des changements structurels profonds tels que la diminution du temps de travail, l’abolition de l’armée et de la publicité, etc.

Florian Martenot