Ils propagent la haine pour plus de répression

Ils propagent la haine pour plus de répression


Les suites du vote du 24 novembre laissent de nombreuses interrogations, à celles/ceux décidés à poursuivre la défense des droits des migrant-e-s en Suisse. Comment agir, dans le cadre de l’asile, mais aussi dans une perspective intégrant les autres restrictions de droits appliquées à celui/celle venu d’ailleurs, comment répondre à la répression croissante?


Par cette contribution, son auteur souhaite mettre en discussion les processus conduisant à l’acceptation de plus en plus marquée de l’exclusion de cet inconnu, l’étranger.


La confusion


Dans un commentaire radio, un journaliste osait la formule que le votant aurait pour part «préféré l’original à la copie». Le parallèle avec la présidentielle française et Le Pen au 2ème tour n’est pas sans fondement. Depuis plus de dix ans, le débat public a été occupé, et est aujourd’hui monopolisé, par les thèses UDC et par une «opposition pragmatique» du gouvernement. Or le «pragmatisme» de celui-ci a intégré et intègre de plus en plus vite les arguments du discours UDC. Mieux encore, ce parti est invité activement à la définition de la politique fédérale.1


Il ne reste dès lors, dans l’ensemble des médias dominants, aucun espace pour l’expression d’une «autre» information, sur l’asile et les migrations, ne s’arrêtant pas aux seules qualifications sécuritaires et discriminantes. Cette confusion produit ce que l’on peut en attendre, la méconnaissance profonde de l’asile en question, et l’acceptation (de guerre lasse?) de la péjoration du droit, plus grand dénominateur commun d’un débat factice entre forces dominantes.


Le résultat


Dans l’essentiel des commentaires, éditoriaux ou prises de position après le vote, une étrange unanimité se fait pour escamoter le résultat – après l’avoir mentionné – derrière ce qui est qualifié de «tremblement de terre politique» ou de «vote historique»: échec triomphal, quasi-victoire, renforcement de l’UDC…


Or ce résultat qui échappe si vite à l’attention, même acquis à une maigre majorité, exprime le refus de l’initiative «contre les abus dans le droit d’asile». Ceci signifie, sans en usurper le sens, que les votant-e-s ont rejeté:



  • le refus d’examen d’une demande d’asile déposée par une personne venant d’un Etat tiers dit sûr.

  • de limiter les prestations d’assistance aux requérant-e-s en dérogation aux normes générales.

  • la diminution – encore – des mêmes prestations d’assistance, la limitation des soins aux seules urgences et l’interdit de travail des requérant-e-s au statut non reconnu (ou qui n’aurait pas été reconnu vu l’Etat tiers sûr de provenance).

  • la délégation aux compagnies aériennes de tâches de contrôle relevant de la procédure de l’asile.


Cette interprétation n’est pourtant pas relayée et le silence sur le rejet des dégradations est assourdissant! La (quasi) unanimité médiatique devient plus cynique encore quand elle proclame dans le même souffle la thèse paradoxale que le peuple veut durcir la loi sur l’asile. Le Conseil fédéral, par les voix de Couchepin – Metzler, parle lui de victoire, mais n’en adopte pas moins la même thèse: effaçant la majorité du jour, il ne promet rien d’autre que de durcir sa politique d’asile, en se félicitant… de sa réussite!


Belle démonstration de suffisance et mépris! Mais il faudra se souvenir, à l’échéance des prochains projets du gouvernement et des chambres de révision de la Loi sur l’asile, du résultat du 24 novembre: refus des propositions de l’UDC de durcir le droit d’asile et non fascination pour sa «défaite triomphante». Il faudra donc contester au gouvernement toute légitimité à imposer un durcissement de la loi sur l’asile, en particulier en des termes ne se distinguant pas des mesures rejetées ce dimanche.


Le paradoxe


Comment expliquer ce «glissement sémantique» où le NON à l’initiative contre les abus dans le droit d’asile devient un quasi-OUI à l’UDC?


Peut-être faut-il d’abord relever que le résultat du vote était attendu. Les pronostics et analyses préalables laissaient entrevoir le résultat: une UDC «consolidant» son audience sur son thème favori, avec un NON à l’initiative. Seul le scénario du scrutin a offert aux médias un sujet digne des qualificatifs grandiloquents pour un taux d’écoute maximisé.


Dès lors, dans la confusion, l’UDC se voit grossie, magnifiée, remerciée (cf. Couchepin2) pour une quasi-réussite nourrissant son mythe:



  • grossie par l’annexion des votes à sa représentativité. L’UDC le formule fièrement elle a mobilisé plus que sa part électorale3. Les médias font la même comptabilité, fascinés par cette «réussite»;

  • magnifiée par mythologisation de ce «combat» seule contre tous. Là encore, la méconnaissance de l’histoire (celle de l’UDC) et les rapprochements hasardeux convient le public à consommer du mythe;

  • remerciée pour enfin… ne pas vouloir la «victoire» et ainsi la mort de l’asile. Aux déclarations, du jour même, satisfaites et conciliantes des ténors UDC, répond la satisfaction du ministre Couchepin. Sa victoire à lui4 vaut bien une reconnaissance de cette force politique qui le soutient…


L’amalgame


Avec un droit d’asile otage des discours xénophobes, le vote de novembre a surtout compté, au vu des analyses univoques, comme tremplin médiatique au parti de Blocher. La primauté de l’information a été à la démonstration de force de l’UDC, à la place à lui accorder ou pas, aux hypothèses sur les élections au Conseil fédéral et… à l’idée de son élection «par le peuple», agitée par l’UDC.


Ces amalgames révèlent la disparition du sujet du vote. L’événement se forme autour du parti, de son discours, de ses propositions, de ses menaces s’il le faut, et de cette «proximité» des préoccupations d’un important électorat «populaire». Les requérant-e-s, leurs vies et difficultés, le droit d’asile, disparaissent dans le non-dit. Dans le binôme asile/UDC qui s’impose médiatico-politiquement, le premier terme n’a pour vocation que de porter au renforcement de sa propre dégradation. (à suivre)


Romain OGUEY LERESCHE



  1. Cf. Incitations individuelles et institutionnelles sur le financement dans le domaine de l’asile – rapport final sur le financement du domaine de l’asile, dirigé par la zurichoise Rita Fuhrer, à l’attention du Département fédéral de justice et police du 9.3.00.

  2. Voir Le Matin du 25.11.02

  3. Communiqué de l’UDC du 24.11.02

  4. Pour le vote sur l’assurance-chômage, le soutien de l’UDC au projet du ministre de l’économie a été irréprochable, vers un démantèlement jugé «essentiel».