Tamedia pète la forme... et licencie!

Dans le cadre d’une politique des caisses vides, le groupe Tamedia annonce un plan de restructuration comprenant 31 licenciements en Suisse romande. solidaritéS a envoyé une délégation de soutien aux manifestations du 27 septembre à Genève et Lausanne. Entretien avec Karim Di Matteo, président de la Société des collaborateurs du 24 Heures.

En 2009, l’annonce du rachat d’Edipresse par Tamedia avait fait l’effet d’une bombe dans le monde de la presse romande. Une centaine de postes de travail étaient supprimés mais les rédactions se voulaient rassurantes: il s’agissait d’assurer la pérennité des titres romands.

Depuis l’intégration d’Edipresse en 2011, le groupe Tamedia a accumulé 943 millions de francs de bénéfice qui sont majoritairement reversés aux actionnaires. Il double alors le revenu de son CEO qui se monte désormais à 6 millions de francs. Durant cette période, Tamedia restructure, licencie et supprime des postes de travail tout en refusant de négocier des plans sociaux. En 2016, le groupe constate une baisse de 14% des entrées publicitaires du 24Heures et de la Tribune de Genève. Cette baisse s’explique par le transfert des recettes vers d’autres unités du groupe qui ont une vocation commerciale et non pas d’information (homegate.ch, ricardo.ch, search.ch). Dans les faits, les deux titres bénéficiaires atteignent une marge de 14% au lieu des 15% exigés.

Comment se concrétise le plan de restructuration annoncé par la direction?

Il y a 16 licenciements prévus au 24 Heures et 8 à la Tribune de Genève. S’ajoutent à cela 5 personnes qui partent à la retraite et 2 départs non remplacés. Au total, il s’agit de 31 postes de travail qui sont supprimés. Nous ne connaissons pas le détail des postes concernés mais il s’agira en majorité de journalistes. Au total, cela représente 16% du personnel.

Alors que le groupe est bénéficiaire depuis des années, comment la direction justifie cette restructuration?

Depuis des années, il y a une baisse structurelle des revenus publicitaires. Nous ne le contestons pas. Mais cette baisse doit être mise en lien avec la structure interne du groupe qui exige que chaque titre soit rentable indépendamment des autres. Tamedia nous sert un discours sur l’importance de la presse régionale. Toutefois, chaque année nous constatons des suppressions de postes de travail qui se répercutent directement sur les équipes de rédaction. Si on veut une information de qualité, nous avons besoin d’équipes fortes avec de bonnes conditions de travail. Nous considérons avoir un devoir d’informer. Or, la direction nous demande de continuer à remplir ce rôle tout en réduisant nos moyens.

Suite à la manifestation qui a réuni plus de 600 personnes entre Genève et Lausanne, quelle est la situation?

Tamedia estime être en phase de discussion alors que nous exigeons des négociations dans le cadre d’un licenciement collectif. Il y a une contradiction dans le discours du groupe. Alors qu’il exige que chaque titre soit rentable pour justifier des mesures d’économies, il fait valoir un cadre plus large lors de licenciements. Il prend ainsi en référence le fait qu’il y a 300 travailleurs·euses au sein de Tamedia Publications romandes. Le but est de ne pas être soumis aux obligations légales des licenciements collectifs et d’éviter la négociation d’un plan social.

Nous avons eu une assemblée générale vendredi dernier. Le personnel conteste les mesures de restructuration qui représentent un grave désengagement de l’éditeur envers ses responsabilités. Il dénonce l’arbitraire des objectifs fixés qui mettent en péril les deux titres. L’assemblée nous a ainsi mandaté pour sauvegarder les emplois et non pas pour discuter de mesures d’accompagnement à ces licenciements. On est d’autant plus conforté dans notre combat que nous avons eu beaucoup de soutien depuis la manifestation. Nous avons obtenu de nombreux soutiens politiques et culturels, et notre pétition a récolté 3000 signatures en quelques jours.

Sébastien Schnyder