Tessin

Tessin : Une bataille contre le dumping salarial, sur la durée

L’initiative populaire déposée par le MPS (Mouvement pour le socialisme) au Tessin en 2011 a été soumise au vote ce dimanche 25 septembre. Elle a obtenu 45% des votes. Le délai (2011-2016) en dit long sur l’absence de volonté, pourtant proclamée par toutes les forces politiques, de combattre le dumping salarial.

L’introduction d’un salaire minimum était l’une des revendications de l’initiative du MPS contre le dumping salarial (action lors du Premier Mai 2014, Lausanne). – Younes Klouche

Le dumping au Tessin

C’est une réalité  que personne ne peut désormais ignorer: le dumping salarial – c’est-à-dire la pression à la baisse des salaires – et social au Tessin s’affirme, lentement mais inexorablement. Cela au travers de processus clairs et évidents: diminution des salaires réels, entre 5% et 15%, voire à 20% dans certains secteurs ; substitution de salarié·e·s plus âgés par des travailleurs·euses plus jeunes aux rémunérations moindres ; remplacement d’employé·e·s qualifiés par d’autres formellement moins qualifiés – et donc moins payés –, mais qui en substance font le même travail.

Ce processus aboutit à la constitution d’un nouveau salariat, où la présence de travailleurs·euses soumis au chantage et aux pressions – les travailleurs·euses frontaliers – agit comme un élément détonateur d’une division qui bloque et décourage toute tentative d’opposition et de résistance de l’ensemble des salarié·e·s. Une situation idéale pour le patronat qui, de façon exemplaire au Tessin, a réussi à réaliser ce que les accords bilatéraux s’étaient fixé comme objectif: abaisser les coûts de production au travers d’une mise en concurrence sans limites et sans règles des salarié·e·s. Cela devant contribuer à réaliser la dite compétitivité patronale qui reste l’objectif fondamental des accords, dans la perspective d’un maintien et d’une augmentation de la valorisation du capital.

Devant ce constat, comme nous l’avons répété depuis des années, le dumping salarial n’est pas un problème pour le patronat. Au contraire, c’est une contribution décisive à la solution de leurs problèmes, autrement dit la capacité concurrentielle de leurs entreprises et la sauvegarde de leurs profits.

Le lancement d’une initiative

A la fin de 2010, la section MSP du Tessin a décidé de lancer l’initiative «Basta con il dumping salariale in Ticino» (« Ça suffit avec le dumping salarial au Tessin »). Elle se concentrait sur les aspects liés au contrôle des conditions de travail et de salaire, un des éléments – conjointement à la bataille sur les salaires – de la lutte contre le dumping. Cette initiative revendiquait, au-delà d’un salaire minimum interprofessionnel de 4000 francs pour 13 mois sur la base d’un horaire de travail hebdomadaire de 40 heures, une série de mécanismes qui renvoyaient en partie au contenu de la loi qui règle le Smig français.

Inutile de souligner que cette initiative a été considérée comme irrecevable par le parlement cantonal. Se référant aux lois fédérales et à la jurisprudence, il a de fait sanctionné l’impossibilité de proposer un salaire minimum légal qui ne constitue pas un instrument de dumping mais de lutte contre le dumping. A l’initiative était donc opposé un contre-projet – mis en avant par toutes les forces parlementaires, de la droite à la gauche. L’objectif de ce contre-projet était fondamentalement d’infliger une défaite à l’initiative et, dans les faits, ce contre-projet a recueilli 55% de oui.

Un échec malgré tout prometteur

Si l’initiative a échoué au niveau cantonal, elle s’est néanmoins affirmée avec une majorité de voix dans des lieux importants du point de vue politique: par exemple, dans le Mendrisiotto, la région la plus au sud du Tessin, où le dumping est vécu quotidiennement par tous·te·s les travailleurs et travailleuses, qu’ils·elles soient résidents ou frontaliers. Il en alla de même dans des villes comme Chiasso, Stabio, Balerna, Coldrerio, Locarno, ou encore à Giubiasco, une commune possédant une population importante qui fusionnera avec Bellinzone l’an prochain. Quant à Bellinzone, la différence en faveur du non s’est faite sur 13 votes!

Un résultat plus que flatteur pour le MPS, étant donné qu’il a dû mener cette campagne pratiquement seul contre tous. Au-delà de l’opposition prévue de la droite, il a dû affronter aussi l’opposition des socio-libéraux. Fin août, le Parti socialiste, officiellement par la voix de ses organes dirigeants, a désavoué la position de son groupe parlementaire qui, comme précisé antérieurement, s’était aligné sur le contre-projet adopté par le parlement. En fait, ils ont adopté une non-position en se prononçant pour un oui aussi bien en faveur de l’initiative que du contre-projet.

C’est l’unique action en faveur de l’initiative qui s’est concrétisée. Aucune de ces personnalités n’a, par exemple, écrit une tribune pour soutenir le oui à l’initiative parmi les très nombreuses prises de position qui sont apparues dans les quotidiens tessinois. Plus fort encore, quelques-uns·unes de ses responsables – par exemple, Saverio Lurati, ex-président du PS et ex-porte-­parole de la fraction parlementaire, ainsi que d’autres parlementaires du PS – ont rejoint les rangs du comité pour le non. Comité coprésidé avec des notables du Parti libéral-radical, du Parti populaire démocratique, de l’UDC et de la Lega. Un spectacle révoltant et qui n’est pas passé inaperçu. Dans un tel contexte, le résultat obtenu par l’initiative du MPS est à coup sûr positif.

Guiseppe Sergi
Coordinateur du MPS Tessin Coupures et adaptation de la rédaction.