El Ejido, «un modèle de production humainement insoutenable»

El Ejido, «un modèle de production humainement insoutenable»


C’est l’une des conclusions auxquelles est arrivée la commission internationale d’enquête sur les émeutes racistes de février 2000 en Andalousie (El Ejido, terre de non droit, Forum civique européen/CEDRI, Bâle, Limans, 2000, 119 p.). Pendant plusieurs jours, à la suite de trois assassinats (une querelle de voisinage qui dérape et l’acte d’un déséquilibré), une partie de la population de la zone de El Ejido va se livrer à une ratonnade des immigré(e)s, essentiellement marocains (les moros). On comptera soixante blessés, des centaines de logements détruits, des dizaines de commerce sinistrés.


Un syndicaliste ouvrier agricole explique très bien le système de concurrence et de recrutement qui nourrit les tensions et ce climat raciste au niveau de la région: «Le système en Andalousie est resté celui de l’époque des caciques et pas seulement pour les immigrés, mais aussi pour les journaliers espagnols. C’est la méthode traditionnelle d’embauche. Avant le patron choisissait celui qui lui convenait sur la place du village, Maintenant, ils viennent les chercher à la maison. Les patrons mettent les immigrés en concurrence avec les journaliers espagnols, pour qu’ils les considèrent comme leurs ennemis. Cela ne se voit pas ici parce qu’il n’y presque pas d’Espagnols qui travaillent dans les serres, mais à la récolte des fraises à Huelva ou à celle de l’olive à Jaen ou à Cordoue, c’est courant.».


Les serres, appelées aussi la «mer de plastique». La région d’Almeria en compte 32000 hectares, réparties entre 15000 petites exploitations familiales. Environ 21000 immigrés y travaillent, dont la moitié seulement en situation régulière. Pour un salaire mensuel variant entre 480 et 540 euros, dont 120 à 180 peuvent passer dans le loyer. Ces prix ont entraînés la formation de véritable petits bidonvilles aux abords des serres: «des centaines de personnes croupissent dans des huttes de fortune, bricolées avec les rebuts ambiants (plastiques, cordes, tôles, contre-plaqués, etc.)». La majorité des autres «bénéficient» de logements dont 55% ne disposent pas d’eau potable, 57% de cabinets de toilette ou de sanitaires, 31% d’électricité.


Mais la tomate espagnole coûte ainsi moitié moins chère que la hollandaise. Elle nécessite aussi deux fois plus d’eau et d’engrais. Avec en prime quatre fois plus de pesticides. Le rattrapage se fait sur le coût de la main-d’œuvre, trois fois moins élevé.


Une année après, les événements de février 2000, la commission d’enquête a pu constater que rien n’avait changé à El Ejido. Même les plaintes déposées n’ont pas eu d’effet, par manque d’avocat et de procureur pour les prendre en charge! Dans le coin, visiblement, on préfère les toros aux moros. Tant il est vrai que comme le constate la commission: «Il est impossible de ne pas voir dans la fuite en avant d’une agriculture productiviste poussée à l’extrême un facteur déterminant des violences survenues à El Ejido. Sans une remise en cause urgente de ce mode de développement, il y a fort à craindre que qu’elles ne préludent à d’autres actes de barbarie en Andalousie et dans d’autres régions assujetties au même mode de production».


ds