Asile en Suisse

Asile en Suisse : Une logique du renvoi à toute épreuve - Dublin court toujours

Dublin court toujours

Le vote du 5 juin, entérinant la réforme Sommaruga de la loi sur l’asile (LAsi), signifiait le durcissement des conditions d’accueil pour les migrant·e·s. D’une part par l’accélération des procédures administratives, un écran de fumée cachant la volonté d’augmenter la rapidité et la quantité des renvois. Et d’autre part par l’instauration des mesures provisoires de 2013 dans la loi, tel que le fait de ne pouvoir déposer de demande d’asile depuis une ambassade.

Outre le crime humanitaire que cela signifie de forcer les individus à traverser la Méditerranée ou les Balkans dans les conditions actuelles pour trouver un refuge, cela permet aussi de constituer la Suisse en îlot protégé de l’arrivée des demandeurs·euses d’asile. Et c’est bien l’intention des autorités, puisqu’en parallèle le principe des Accords Dublin, ce fameux règlement permettant le renvoi des personnes vers le premier pays européen d’accueil (la notion d’accueil pouvant s’avérer très variable), a aussi été inscrit dans la loi à l’occasion de la réforme de la LAsi.

L’équation est simple: la Suisse accepte de traiter les demandes des réfugié·e·s uniquement depuis son territoire, et à condition qu’ils·elles ne soient pas passés par un autre pays européen avant d’arriver. Apparemment, il ne leur reste plus qu’à apprendre à voler…

Gustave Deghilage

Premières applications de la réforme Sommaruga

Avant même que les camps fédéraux ne soient opérationnels (ces centres de détention où les réfugié·e·s sont enfermés dès leur arrivée), les premières mesures suite à la révision de la LAsi se font sentir. Le Secrétariat d’Etat aux migrations envoie désormais régulièrement un·e vérificateur·trice dans les services de population des cantons, afin de surveiller la «bonne» application des renvois.

Des sanctions pécuniaires sont prévues à l’égard des cantons qui n’appliqueraient pas rigoureusement et automatiquement toutes leurs expulsions, ou qui ne les exécuteraient que partiellement. La Confédération peut alors refuser de verser des indemnités forfaitaires ou bien réclamer au canton concerné le remboursement des forfaits déjà versés.

Dans les mesures de mise en œuvre de la révision, la focale est mise sur les renvois Dublin. En effet, la facilité d’exécution et l’automatisme du processus le rendent aisé à appliquer, à la différence des déportations non Dublin qui requièrent des accords bilatéraux. Néanmoins, la plupart des pays européens ont cessé l’exécution de ces renvois depuis la fermeture de la route des Balkans, se référant à la clause de souveraineté nationale pour s’y soustraire.

La Suisse, elle, continue contre vents et marées d’appliquer ces expulsions, peu importe leur coût humain. Et les accords ne semblent pas près de tomber ; au contraire, la mouture Dublin IV qui est en train d’être élaborée à Bruxelles s’annonce comme une aggravation, encore plus implacable, de la situation actuelle.

La défense de l’asile s’organise

Sur le terrain, l’onde de choc est perceptible. Au Tessin, le blocage des frontières et la situation des requérant·e·s de Côme soulignent le peu de respect des autorités suisses vis-à-vis du respect des normes européennes et des droits humains. Dans le canton de Vaud, l’évacuation manu militari du jardin du Sleep-in à Renens, la capture de requérants hébergés au refuge Mon-Gré à Lausanne, et la mise en place des assignations à résidence pour faciliter les arrestations sont les preuves d’un durcissement des rapports de force avec les autorités. De la même manière à Genève, le bras de fer engagé par le collectif Solidarité Tattes contre le renvoi de la famille Musa (voir p. 14) illustre bien la difficulté croissante à s’opposer aux expulsions.

Ainsi, l’enjeu d’obtenir la fin de l’application des Accords Dublin par la Suisse est de plus en plus urgent. Or, pour cela, il est nécessaire de passer par une action collective nationale, puisque les accords relèvent de la compétence de la Confédération. La difficulté étant que la gestion des renvois est déléguée aux cantons, qui les appliquent chacun à sa manière. Pour amorcer une réflexion groupée entre les acteur·trice·s de la défense de l’asile de la région romande, des Etats généraux de l’asile ont été organisés samedi 3 septembre par le Collectif R à Lausanne.

A l’issue de cette rencontre, un constat s’impose: les renvois doivent cesser et si l’opposition implique de passer par des actions collectives de désobéissance civile, soit. Le terme ne fait pas peur, ayant historiquement fait ses preuves (pour l’accueil des réfugié·e·s chilien·ne·s en 1973 par exemple). Une nouvelle édition de ces Etats-généraux est prévue le 2 octobre, regroupant cette fois l’ensemble des collectifs impliqués dans l’aide aux migrant·e·s en Suisse.

Comme l’a indiqué le Professeur Claude Calame dans une lettre adressée à la Conseillère Sommaruga (voir p. 16), la gestion migratoire de la Suisse fait honte! Une honte aggravée par les inégalités de traitement envers les étrangers·ères en fonction de leur fortune: des forfaits fiscaux pour les riches, des vols spéciaux pour les pauvres.

Aude Martenot

Pour dénoncer cette situation révoltante, pour apporter notre soutien à tous et toutes les réfugié·e·s mal accueillis en Suisse, pour dénoncer les Accords Dublin et exiger leur arrêt immédiat:

Rendez-vous le 1er octobre prochain à 15 h à Lausanne pour une manifestation large et combative!