Sortons enfin du nucléaire!

Le 27 novembre prochain, on vote sur l’initiative fédérale pour une «Sortie programmée du nucléaire». Après des années de tergiversations parlementaires, l’occasion est à nouveau donnée à la population de voter pour un arrêt définitif de l’exploitation des centrales à fission.

L’histoire de l’énergie atomique suisse commence tôt, avec la construction de la centrale de Lucens, dans le canton de Vaud, entamée en 1962. Cette installation expérimentale, bâtie dans une caverne, devait fonctionner jusqu’à fin 1969. Or, en janvier 1969, un accident majeur provoque la fonte du cœur du réacteur nucléaire et une contamination radioactive massive de la caverne.

Malgré cet épisode fâcheux qui aurait dû servir de leçon et malgré l’opposition populaire qui a conduit à l’abandon définitif en 1988 des projets de centrales de Kaiseraugst et Graben… comme aussi l’abandon des projets moins avancés à Verbois, Inwil et Rüthi… quatre nouvelles centrales verront le jour en Suisse entre 1969 et 1984 à Mühleberg, Beznau, Leibstadt et Gösgen. Toujours en fonction, les cinq réacteurs de ces centrales constituent aujourd’hui le plus vieux parc nucléaire du monde.

En 1990, près de 20 ans après le début des mobilisations contre le nucléaire en Suisse et 4 ans après la catastrophe de Tchernobyl, l’initiative «Pour un abandon progressif de l’énergie atomique» échoue de peu, tandis que le moratoire «Halte à la construction de centrales nucléaires» est accepté. Les choses ne vont pas en s’améliorant puisqu’en 2003, les projets «Sortir du nucléaire» et «Moratoire–plus» (prolongement du moratoire) sont largement rejetés par les votant·e·s.

Et si Beznau explosait, Zurich pourrait ressembler à Pripyat

Après Tchernobyl, Fukushima…

En novembre 2010, trois projets pour de nouvelles centrales proposés par ALPIQ reçoivent l’aval de l’Inspection Fédérale de la Sécurité Nucléaire, mais en mars 2011 se produit l’accident de Fukushima. La cheffe du département en charge de l’énergie, Doris Leuthard, suspend alors toutes les procédures visant la construction de nouvelles centrales.

En parallèle, les Verts lancent l’initiative «Pour une sortie programmée du nucléaire» prévoyant l’arrêt de la dernière centrale en 2029. Quelques mois plus tard, le Conseil fédéral propose un projet de sortie du nucléaire pour 2034, avec l’arrêt des centrales en activité après 50 ans d’utilisation. Les Chambres fédérales valident le projet à leur tour, tout en maintenant la possibilité de poursuivre la recherche nucléaire.

Cependant, on assiste à un nouveau retournement de situation fin 2014 avec le refus de l’initiative des Verts au parlement. A la place, les Chambres acceptent la «Stratégie énergétique 2050» qui ne prévoit plus que l’interdiction de construction de nouvelles centrales et la fin de l’utilisation de l’énergie nucléaire vers 2050. Quoiqu’à l’heure actuelle, aucune date d’expiration n’est plus même en vigueur pour nos réacteurs, sauf pour Mühleberg dont l’arrêt est annoncé pour 2019 par l’exploitant lui-même.

C’est là l’intérêt de l’initiative «Pour une sortie programmée du nucléaire». Celle-ci inscrirait dans la Constitution fédérale l’interdiction de l’exploitation des centrales nucléaires et la mise hors-service définitive des centrales en activité après 45 ans d’existence, voire plus tôt en cas de problème de sécurité. L’énergie produite actuellement par le nucléaire devra, par ailleurs, être remplacée par des économies d’énergie et par une hausse de la production d’électricité par le renouvelable.

Pour une sortie programmée du nucléaire

Cette initiative a des chances d’aboutir et mérite qu’on s’engage pour y arriver, la dernière catastrophe nucléaire étant encore suffisamment fraîche dans les mémoires. Le vieillissement des centrales est aussi un argument fort, leur sécurité n’étant plus garantie (arrêt de Beznau 1 depuis l’été 2015 pour cause de microfissures dans la cuve de refroidissement). L’argument économique semble aussi convaincre une partie des conservateurs·trices, puisque les centrales suisses produisent à perte et coûtent cher en réparations, sans prendre en compte les futurs coûts de démantèlement. Enfin, on notera la discrétion actuelle des lobbys pronucléaires (et leurs millions) dans la campagne en opposition à la sortie du nucléaire.

solidaritéS soutient bien sûr cette initiative, elle va en effet dans le sens de mettre un terme à l’exploitation d’une énergie extrêmement dangereuse et non-renouvelable, dont la gestion des déchets pose d’énormes problèmes de sécurité pour l’avenir proche et lointain.

Enfin, cette initiative s’inscrit dans une transition énergétique nécessaire pour remplacer les sources d’énergies polluantes et dangereuses, nucléaires ou fossiles. Il s’agit de l’un des pas nécessaire à l’avènement d’une société écosocialiste permettant une gestion sûre et non-destructrice des ressources naturelles ainsi qu’une qualité de vie décente pour l’ensemble de la population.

On regrettera cependant le maintien en service d’installations hasardeuses et vieillissantes jusqu’en 2029, là où l’intérêt de la collectivité serait un arrêt immédiat des centrales nucléaires pour éviter le risque croissant d’un tCHernobyl helvétique.

Florian Martenot