The Water Economy

The Water Economy


C’est ainsi que les seigneurs économiques de l’eau se désignent. Evidemment, ça en jette plus que «marchands de flotte» ou «pompeurs de fric.». Surtout en ces temps de «global economy» et de mondialisation capitaliste. On dénombre deux grands domaines dans lesquels les entreprises sont très présentes : celui de l’eau en bouteilles, dominé actuellement par Nestlé et Danone (70 % des marques à elle deux), mais qui doivent faire face aux appétits de deux autres grands de la limonade, Pepsi et Coca, qui s’avancent dans le secteur des fontaines à eau (croissance annuelle : 15 %). L’autre domaine et celui de l’approvisionnement en eau des collectivités et du retraitement des eaux. Deux entreprises françaises y sont en pointe : Vivendi Environnement (ancienne Compagnie générale des eaux, CGE, dont le trésor de guerre permit à Jean-Marie Messier de réussir la brillante carrière que l’on sait) et Ondeo (ex- Suez-Lyonnaise des Eaux). Un petit troisième s’avance, le groupe Bouygues- Saur, lui aussi français (TF 1), alors que le conglomérat allemand RWE tente de refaire son retard dans un marché si prometteur. Et dont «le potentiel de développement se trouve avant tout dans les pays où la disponibilité cette ressource vitale est précaire» comme l’analyste financier de service ne manque pas de l’expliquer (PME magazine, no 8, août 2002).


Dans le secteur des eaux minérales, Nestlé a lancé son nouveau produit «Pure Life» (des eaux souterraines, captées localement, puis purifiées et minéralisées). Pour la seule campagne de pub en faveur de ce produit, la multinationale aura dépensé 80 millions de dollars. Visiblement, le potentiel doit être plus que virtuel. Même si au prix proposé, un travailleur indien et sa famille ne peuvent couvrir que le quart de leurs besoins en eau potable. Pour développer son secteur des eaux en bonbonnes, Nestlé, qui dispose déjà de Perrier et Vittel, vient de racheter la société française Saphir. La division Nestlé Waters, présente dans 130 pays, génère un chiffre d’affaires de 7,5 milliards de francs. Danone, qui vient de racheter des entreprises en France et au Canada occupe maintenant la première place dans le Home and Office Delevery (HOD), c’est à dire le service ou la vente directe d’eau en grand contenant. Un marché qui représente 46 milliards de litres, soit 38,7 % de l’eau embouteillée bue sur la planète.


Un autre grand prédateur mondial a senti l’odeur des bénéfices. Monsanto (OGM) a aussi procédé à des investissements au Mexique et en Inde. Il espère dès 2008 en retirer un peu plus de 60 millions de dollars. Et recherche des facilités d’investissement. Auprès, par exemple, de la Banque mondiale. Pourquoi se gêner? Mais il lui sera aussi possible de compter sur les fonds de placement réservés à l’industrie de l’eau, comme celui de la Banque Pictet, pionnière en la matière avec son Water Pictet Global Sector Fund.


A eux seuls, les deux géants français, Vivendi et Suez fournissent l’eau à 230 millions de personnes de part le monde, sur un marché estimé à 800 milliards de dollars. Le modèle français, ce célèbre partenariat public-privé, mis en avant par la Banque mondiale est un modèle d’opacité tarifaire (les prix de l’eau du privé sont 16 % plus élevés que ceux du public), de pots-de-vin et autres contributions politiques. Mais ne dites pas «corruption»: les multinationales française ont le procès facile. Pourtant l’imbrication du politique et de l’économique est évidente.


L’emblématique Jerôme Monod, secrétaire général du RPR chiraquien, puis dirigeant de la Lyonnaise des eaux, pour redevenir conseiller politique de Jacques Chirac, après avoir conseillé aussi la Banque mondiale en matière d’eau, va bientôt prendre sa retraite politique, après avoir porté sur les fronts baptismaux l’UMP présidée par Alain Juppé. Et les casseroles politico-financière ne concernent pas que la mairie de Paris.


Visiblement, The Water Economy sait y faire lorsqu’il s’agit de placer the right man in the right place. Ricardo Petrella en a fourni plusieurs illustrations, comme celle-ci: «Les liens personnels établis entre les membres influents de l’oligarchie marchande sont particulièrement denses. A titre d’exemple : l’ancienne directrice générale de l’Agence canadienne pour la coopération internationale (organisme public intergouvernemental), membre depuis sa création du Global Water Partnership (GWP) ou «Partenariat mondial de l’eau» organisme privé international, en est devenue en 2001 la présidente. La même année, elle a été nommée présidente du conseil scientifique international de la multinationale Suez-Lyonnaise des eaux. Le coordinateur principal de la politique de l’eau à la Banque mondiale a été président de l’International Water Resources Association (organisation scientifique et professionnelle privée). Il a été nommé vice-président du Conseil mondial de l’eau et fait partie du comité exécutif du Forum mondial de l’eau. (…)Enfin, le vice-président de la Banque mondiale chargé des questions d’environnement a été nommé président du GWP lors de sa fondation et président de la Commission mondiale de l’eau pour le XXIe siècle1


Comment ne pas conclure avec l’auteur que la boucle est ainsi bien bouclée, et que tout a été mis en place, du Conseil mondial de l’eau au Forum mondial de l’eau, en passant par la constitution d’ONG complaisantes, pour verrouiller la marchandisation de l’eau.


ds



  1. Un besoin vital devenu marchandise. In La Ruée vers l’eau, Manière de voir 65, p. 82.