Halte à la spirale sécuritaire!

Notre opposition à la nouvelle Loi sur le renseignement (Lrens), soumise au vote populaire le 25 septembre s’articule à trois niveaux: d’une part, il y a une extension sans précédent des possibilités de surveillance données aux organes de police, comportant des atteintes inacceptables aux libertés et aux principes démocratiques. D’autre part, elle ne contribuera pas à renforcer de manière significative la sécurité physique des personnes en Suisse. Enfin, elle alimente la spirale de politiques sécuritaires, corollaires des situations d’inégalité et d’oppression croissantes au niveau mondial.

Nous avons déjà évoqué dans ce journal (nº 275) les principaux aspects liberticides de cette nouvelle loi: l’autorisation de la surveillance de masse et préventive du réseau câblé indépendamment de tout soupçon d’activité punissable, l’espionnage des espaces privés au moyen de «mouchards» et la possibilité d’introduire des «chevaux de Troie» dans des systèmes informatiques. Selon Amnesty International (Suisse), la Lrens menace la liberté d’opinion et la présomption d’innocence: «La surveillance de masse entre en conflit avec plusieurs droits fondamentaux garantis dans la Constitution fédérale et la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH). Au-delà du droit à la sphère privée et du respect du secret des télécommunications, ce sont la liberté d’opinion et la présomption d’innocence qui sont concernées. Et lorsque des prêtres, des médecins, des avocats ou des journalistes sont surveillés, c’est également le secret professionnel et la protection des sources qui sont remis en cause.»

Avec les attentats qui se répètent, les fauteurs de mesures sécuritaires et liberticides obtiennent aujourd’hui assez facilement le consentement des parlements et de l’opinion publique pour imposer l’état d’urgence et introduire toutes sortes de contrôles et de limitations des libertés individuelles, en échange d’une prétendue sécurité accrue. En général, ces mesures augmentent les capacités du contrôle policier sur la société, mais n’ont pas pour conséquence un accroissement de la sécurité physique des populations. En tout cas, l’augmentation massive des capacités de récolte d’informations que vise la nouvelle Loi sur le renseignement n’assure pas une sécurité plus élevée. Presque tous les auteurs d’attentats en Europe ces dernières années ont pu agir tout en étant connus de la police. Le Conseil fédéral n’a pas pu ni voulu expliquer en quoi les compétences actuelles, très larges, du procureur de la Confédération seraient insuffisantes pour poursuivre les crimes prévus aux articles 259 et 260 du Code pénal (provocation publique au crime ou à la violence, actes préparatoires délictueux, soutien à organisation criminelle, etc.).

Le contexte mondial, marqué par des guerres à intensités variables ainsi que des attaques terroristes à intensité tout aussi multiple, alimente une spirale sécuritaire sans précédent. Quinze ans après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, le scénario de la «guerre globale et permanente», mis en route à la fois par George W. Bush et ses alliés européens ainsi que par Osama Ben Laden et ses successeurs, continue de s’appliquer et de compter de nouveaux chapitres sur une échelle de plus en plus grande. Les populations civiles, depuis le Pakistan jusqu’en Lybie, en passant par le Yémen et la Turquie, en sont les principales victimes. En Europe, la France «est en guerre» et les pays de l’Union européenne adoptent une multitude de mesures sécuritaires (extension de la portée des lois «antiterroristes», renforcement des contrôles à l’intérieur et aux frontières, etc.).

Cette spirale des politiques sécuritaires en Europe s’enchevêtre à la militarisation des frontières et au refoulement des réfugiés provenant du Moyen-Orient et d’Afrique. Dans ces domaines, la politique sécuritaire de la Suisse est parfaitement compatible avec celle de l’Europe. Au lieu de réduire les inégalités planétaires croissantes et les situations d’oppression de peuples entiers, cette politique restreint les libertés et les droits démocratiques de tous et toutes. Elle diminue ainsi les capacités des sociétés à mener les changements en profondeur nécessaires pour résoudre les vrais problèmes, laissant le champ libre à ceux qui disposent d’avions de combat ou de camions suicides.

C’est pour toutes ces raisons que nous voterons et vous demandons de voter non le 25 septembre.

Tobia Schnebli