Internement administratif

Internement administratif : «Plus jamais cela»

A la suite de l’initiative du parlementaire socialiste Paul Rechsteiner, la Commission des affaires juridiques du Conseil national avait adopté le 11 octobre 2012 un «Rapport sur la réhabilitation des personnes placées par décision administrative» en Suisse. Parmi d’autres, le canton de Vaud a pratiqué durant plusieurs décennies cette forme de détention arbitraire et sans jugement.

Pratiqués jusqu’en 1981, ces placements en détention visaient principalement à détenir les personnes qui s’adonnaient à la prostitution, les souteneurs ou les personnes actives dans les jeux illégaux. Ces détentions ont également emprisonné des milliers personnes en Suisse qui n’étaient pas reconnues coupables de crime au sens du Code pénal, comme des individus jugés «déviants» ou de «mauvaises mœurs»: marginaux, sans-emploi, mais aussi adolescents fugueurs, filles-mères ainsi que des personnes qui, «par leur fainéantise ou leur inconduite, mettent en danger autrui».

Nous publions ici l’intervention faite le mardi 21 juin 2016 par notre camarade Jean-Michel Dolivo, député de solidaritéS au Grand Conseil, auteur du postulat demandant si le canton de Vaud réhabilitait les personnes détenues administrativement entre les années 1930 et 1980, lors du débat au parlement vaudois sur le Rapport du Conseil d’Etat:

«Le Conseil d’Etat peut ainsi se considérer comme étant naturellement lié par les excuses demandées par Mme Sommaruga au nom des autorités de notre pays aux victimes de ces pratiques. Telle est la phrase conclusive du rapport du Conseil d’Etat au Grand Conseil, une déclaration importante, solennelle, dont le parlement doit prendre acte et faire sienne.

Malheureusement, la plupart des personnes directement victimes, sous une forme ou une autre, de l’arbitraire d’un internement administratif, de mesures coercitives telles la castration, la stérilisation, le placement forcé à des fins d’assistance, le placement extra-familial, ne sont plus là pour recevoir ces excuses, ni éventuellement pour les accepter.

Au-delà des excuses et des formes de réparations, financières et morales en lien avec les préjudices subis par les victimes, leurs enfants, leurs proches, leur parenté, nous nous devons de tirer toutes les conséquences pour aujourd’hui et demain. Nous devons dire, de manière déterminée, ‹ plus jamais cela! ›. Et tout mettre en œuvre pour que de tels abus, de telles violations des droits fondamentaux de personnes, de telles atteintes à leur liberté personnelle et au principe d’égalité devant la loi, ne se reproduisent plus.

Il ne doit plus y avoir d’êtres humains, femmes ou hommes, qui soient traités comme des personnes de seconde catégorie, de seconde zone, des personnes pour lesquelles des lois, des autorités – quelles qu’elles soient – des pratiques et des directives administratives portent atteinte à leurs droits et à leur dignité, en raison de leur mode de vie, de leur origine, de leur comportement, de leur situation sociale ou de leur sexe. Que ces femmes ou ces hommes soient aujourd’hui rom, demandeur d’asile ou mendiant!

Construire une humanité solidaire et chaleureuse implique, à tous les niveaux, le refus de tout pouvoir discrétionnaire, de toute forme d’arbitraire et de discrimination, de toute atteinte aux libertés et aux droits fondamentaux de chacun et chacune. C’est là un combat qui reste d’une actualité brulante. Les désastres du passé, récents ou lointains, sont encore présents aujourd’hui, leurs conséquences ne sauraient être effacées. Mais la conscience de ces désastres passés, telle qu’elle s’exprime dans le rapport soumis par le gouvernement vaudois, prend son sens dès lors qu’elle nous permet de sortir de ces terribles violences et de l’injustice, faites à l’époque sur la base d’un certain nombre de politiques publiques aux catégories de personnes concernées. Il est indispensable de lutter pour qu’elles ne se perpétuent plus, sous une autre forme, à l’égard d’autres catégories de la population, que ce soit au nom de la loi ou non. Le poète René Char disait: ‹ La lucidité est la douleur la plus proche du soleil. Une vigilance de tous les instants s’impose!» JL