Fin des fossiles

Fin des fossiles : Un magistrat monte au front

Dans la nuit du 13 mai, notre camarade Rémy Pagani, membre du Conseil administratif de la Ville de Genève et prochain maire… a dormi sur une banquette d’un train de nuit pour Berlin! Il y allait pour la manif du week-end sur les champs de lignite en Lusace dite Ende Gelände, pour dire: «Jusqu’ici et pas plus loin! en matière de fossiles» (voir aussi page 10). Nous lui avons posé trois questions.

Pourquoi es-tu allé à cette manif, comme militant?

Comme militant, mais aussi comme magistrat. Je suis responsable du Service de l’énergie de la Ville de Genève et je la représente au Conseil d’administration des SIG. Politiquement, je suis en charge des questions énergétiques en Ville. A ce titre, j’ai impulsé des initiatives antinucléaires de la Ville, contre les centrales de Mühleberg et du Bugey en France voisine. Mais l’opposition à la poursuite de l’exploitation des fossiles est aussi impérative si l’on veut enrayer la catastrophe climatique! Je me devais donc de participer à la mobilisation, personnellement, mais aussi comme représentant des citoyen·ne·s qui m’ont élu, je l’ai d’ailleurs annoncé à mes collègues de l’Exécutif.


Ende Gelände / Jo Syz

Comment ça s’est passé sur place?

Les participant·e·s sont arrivés de toute l’Europe en train, à pied, en autocar, fatigués, mais le sourire et la détermination inscrits sur leurs visages. Elles et ils étaient prêtes à faire face au vent glacial en rafales, mais surtout à se confronter à l’extraction du charbon de lignite et à la police allemande venue en masse de Berlin. On a été 3000 à manifester trois jours durant devant une gigantesque mine à ciel ouvert à 250 km de Berlin, où au fond d’une vallée, des machines titanesques raclaient le sable à plus de 200 m de profondeur dans une poussière noire et cancérigène.

J’ai vu une nouvelle génération contestant le sombre avenir de la planète, au corps à corps avec la police avec un simple filet rempli de paille dans le dos, s’agrippant à celui de devant, à la manière des formations en tortue de l’infanterie antique, se déplaçant lentement et enfonçant, pacifiquement et sans heurts, les rangées clairsemées de robocops. Ils ont occupé et immobilisé pendant trois jours la mine, les machines, le train et l’usine transformant le charbon en électricité. La planète peut se réjouir d’avoir engendré de tels activistes qui mettront peut-être fin à ce système mercantile et cupide la menant à la mort.

Et sur le plan du contenu?

On a remis en cause un système aberrant, qui soutient les renouvelables et les détruit en même temps. Comment comprendre le gouvernement norvégien, principal actionnaire de la mine, qui s’impose un «zéro énergie fossile» d’un côté et contribue à produire de l’électricité à très bas prix avec ce lignite de l’autre… Production électrique qui sape les gros investissements dans les renouvelables. En Suisse pour le rehaussement des barrages, à Genève pour l’hydraulique ou pour un projet qui me passionne: remplacer le mazout par le pompage de la chaleur du Lac pour chauffer plus de 5000 logements à la Jonction. Les SIG, où je siège pour la Ville, ont décidé d’investir plus de 40 millions dans l’expérience, qui pourrait être multipliée.

Propos recueillis par notre rédaction