Deuxième pilier

Deuxième pilier : La moyenne des rentes toujours en recul

Une publication de l’Office fédéral de la statistique (OFS) permet de tracer un tableau peu flatteur du deuxième pilier en Suisse. Mais ce sont ces retraites par capitalisation mêmes qui sont nuisibles pour les salarié·e·s. Un système de retraites plus juste et pérenne exige au moins de renforcer l’AVS et de rendre aux salarié·e·s une part supérieure des richesses qu’elles et ils ont produites.

L’étude «La prévoyance professionnelle en Suisse – Statistique des caisses de pensions 2014» que l’OFS a publiée ce 23 mai n’est pas réjouissante. Ainsi, «la moyenne des rentes de vieillesse annuelles continue de reculer» pour atteindre 29 800 francs. Celles des femmes sont toujours inférieures de moitié à celles des hommes, des femmes qui ne représentent que 36 % des «bénéficiaires». La part des assuré·e·s en primauté de prestations (qui savent quel sera le montant de leur retraite) décline, de 17 % en 2004 à 7 % en 2014 (de 56 % à 38 % pour le secteur public, de 10 % à 1 % pour le secteur privé!), au bénéfice de la primauté de cotisations qui désécurise totalement les salarié·e·s, dans l’impossibilité d’évaluer leur future retraite. La part du magot de 777 milliards issu de nos cotisations qui est placée en actions par les caisses, après une chute en 2008 (21 %), atteint 29 % en 2014: un record en plus de 12 ans. Les placements à l’étranger dépassent pour la première fois les placements en Suisse.

Au-delà de ces évolutions, c’est le système même des retraites par capitalisation qui est nuisible. On fait peser sur les cotisations issues de notre travail les risques des marchés financiers: 67 milliards envolés entre 2007 et 2008, 52 milliards entre 2000 et 2002, 24 milliards en janvier 2016. Sans nous demander notre avis, nos cotisations servent à exiger des rendements sur les actions et participent ainsi aux pressions sur les salaires ou aux licenciements. Elles sont investies dans l’immobilier, «ce qui a poussé les prix à la hausse ces dernières années» selon Michèle Bergkvist-Rodoni de la direction de La Mobilière (L’Hebdo, 28,4).

Investies dans les matières premières, les hedge funds… Notre travail participe à une exploitation aggravée de nous-mêmes et nourrit la finance. Les assureurs-vie, en plaçant ces cotisations, s’empiffrent: 5 milliards entre 2005 et 2014 (selon une étude de Travail.Suisse, 2015), dont 1,8 milliard pour AXA ou 700 millions pour Swiss Life. Et c’est sans compter que «le deuxième pilier est menacé de disruption» (Le Temps, 24.4 ; la disruption équivaut à un claquage ou un éclatement, réd.) ou que «les rentes continueront de reculer» (Le Temps, 25.4)…

L’AVS, elle, est saine et reverse les cotisations perçues vers les retraites sans passer par les risques des marchés. Mais elle est délaissée depuis longtemps pour satisfaire la finance. L’initiative AVSplus, soumise au vote le 25 septembre prochain, permettrait de la renforcer un peu. Un premier pas vers une fusion souhaitable des deux premiers piliers privilégiant la répartition?

Mais on ne saurait parler retraites sans parler salaires: rendre aux salarié·e·s une part «digne» des richesses qu’elles et ils ont produites et qui s’engouffrent toujours plus dans les poches du patronat ou des actionnaires, signifierait un coup de fouet sans précédent dans le financement de nos retraites. Et les hausses de salaires, c’est dans les luttes qu’elles peuvent être arrachées.

Aurélien Moreau