Prisons turques: la lutte continue

Prisons turques: la lutte continue

A Genève, début décembre 2000, le parlement votait une «résolution sur la situation des prisonniers en Turquie». Elle rappelait: la situation dramatique dans les prisons turques, l’utilisation quasi-systématique de la torture et de traitements dégradants infligés aux prisonniers politiques, la mise en place par les autorités turques de cellules d’isolement de type «F», la grève de la faim illimitée entamée par un millier de prisonniers qui durait alors depuis un mois, ainsi que les nombreuses voix s’élevant pour condamner l’attitude des autorités turques.


La résolution demandait aux autorités fédérales d’intervenir auprès de l’Etat turc et de leur rappeler notamment leurs obligations en vertu des instruments internationaux de protection des droits humains, notamment l’art. 7 des «Principes fondamentaux relatifs aux traitements des détenus» adoptés par les Nations Unies le 14 décembre 1990. Le parlement genevois décidait en outre de publier le texte de sa résolution dans plusieurs grands quotidiens turcs.

Terrorisme d’Etat

Moins de trois semaines plus tard, l’Etat turc perpétrait un assaut d’une brutalité indescriptible contre les grévistes: 28 prisonniers-ères mourraient assassinés au gourdin, par balles, asphyxiés aux gaz ou brûlés vifs, pour briser leur résistance. Au cours de cet assaut meurtrier appelé cyniquement «opération retour à la vie» des centaines de détenu-e-s ont été gravement blessés. En réponse à ce carnage, des centaines de prisonniers-ères politiques rejoignaient la grève de la faim dite «jeune à mort». Depuis, hors des prisons, des familles et ami-.e-s des prisonniers-ères ont entamé eux aussi une grève de la faim en solidarité.



Avec des lois interdisant la diffusion d’informations relatives à ce mouvement, l’Etat turc a développé une politique d’isolement dans le pays. De nombreux journalistes ont été traduits en justice pour avoir évoqué la situation dans les prisons. Les organisation de défense des droits de humains se voient empêchées d’exercer leur activités par une répression brutale… Mais malgré attaques sanglantes et black-out médiatique, ce mouvement s’est élargi à tout le pays!

…95,96,97,98,99 mort-e-s!

Depuis le début du mouvement, 99 grévistes sont morts, le dernier en date Imdat Bulut faisait partie d’un groupe de grévistes de la faim dans la prison de type «F» de Kandira. Il avait commencé son jeûne en juin 2001 et est mort ce 19 novembre. En outre, une véritable armée de centaines de morts-vivants paient le prix de cette lutte pour la dignité et les droits élémentaires qui n’est pas prêt de s’arrêter avant d’avoir atteint ses objectifs.


Un certain nombre d’actes et d’actions de solidarité ont été organisés à Genève par le Comité genevois contre la répression en Turquie, ceci en 2001, mais la détermination des militant-e-s genevois, n’a pas été, à ce jour, il faut l’admettre, à la hauteur de la durée de ce combat…

«Longue marche» pour la vie!

Mercredi 20 novembre, des dizaines de personnes, faisant partie de l’association d’entraide en faveur des familles de détenu-e-s politiques (Tayad) venaient à Genève, dans le cadre d’une longue marche, partie de Bruxelles le 18 novembre et qui finira à la frontière turque en ayant passé par la France, la Suisse, l’Italie et enfin la Grèce… Leur objectif: réveiller les consciences et la flamme de la solidarité internationaliste indispensable: «Peuples européens: vous avez vécu le fascisme, ses atrocités et son hostilité au genre humain. Nous sommes aujourd’hui confrontés à la même situation. Protestez par tous les moyens démocratiques contre vos gouvernements qui cautionnent les pratiques ignobles de l’Etat turc. Soutenez la longue résistance contre les cellules de la mort!» ont-il écrit dans l’appel qu’ils ont diffusé directement dans les rues de Genève, après avoir manifesté devant la «Maison des droits de l’Homme» où ils ont été reçu par le coordinateur du Haut Commissariat aux droits de l’Homme pour l’Europe…


Leur appel doit être entendu!


Pierre VANEK