Syrie

Syrie : «La révolution continue»

Ces 3 dernières semaines, des manifestations populaires massives ont eu lieu dans les zones libérées de Syrie. 

Du nord au sud du pays,  des centaines de manifestations ont eu lieu ces derniers vendredis, y compris le 18 mars, «vendredi de la dignité». L’esprit du début de la révolution s’y est incarné dans les slogans, les pancartes et les chants démocratiques non confessionnels comme «Le peuple syrien est un et uni», ou «les portes de la révolution pacifique s’ouvrent à nouveau» (syriafreedomforever.wordpress.com). Le drapeau révolutionnaire syrien a été brandi partout. Des manifestations ont également eu lieu dans certaines villes et villages à majorité kurde au nom de l’unité arabe et kurde. Une importante manifestation s’est déroulée dans la ville de Qamichli, le samedi 12 mars pour commémorer les douze ans de l’intifada kurde en Syrie de 2004 et appelé à la fin du régime d’Assad.

 

 

Contre Jabhat Al-Nusra

Les forces salafistes djihadistes et leurs symboles étaient absents des démonstrations qui ont eu lieu ces dernières semaines. Dans la ville de Ma’aret al-Nouman près d’Idlib, les manifestant·e·s se sont opposés aux pratiques autoritaires des forces de Jabhat al-Nusra (Al Qaida en Syrie), qui ont organisé le vendredi 4 mars une contre-­manifestation dans la ville scandant des slogans contre la démocratie et la laïcité et pour un État islamique. Les manifestant·e·s ont également saccagé les bureaux de Jabhat Al-Nusra et ont demandé la libération des activistes démocratiques et membres de l’Armée Syrienne Libre (ASL). Les régions alentours ont témoigné leurs solidarités avec les révolutionnaires de Ma’aret al-Nouman et leurs opposition à Jabhat Al-Nusra.

Ces mobilisations surviennent après un cessez-le feu négocié à la fin février par les Etats-Unis et la Russie, qui a ralenti le rythme des hostilités mais sans les stopper. Les forces du régime d’Assad et ses alliés ont continué à bombarder et attaquer des zones tenues par l’opposition, alors même que les forces de l’Etat islamique et de Jabhat al-Nusra, non incluses dans la trêve, n’y sont pas présentes. Selon diverses sources, il y a eu plus de 180 violations du cessez-le-feu par les forces du régime et de l’opposition dans les cinq premiers jours de la trêve entrée en vigueur le 27 février. La majorité de ces violations ont néanmoins été commises par les forces du régime.

L’annonce du retrait militaire russe de la Syrie par le Président Poutine le lundi 14 mars n’a pas pour l’instant empêcher la continuation des bombardements de l’aviation militaire de Moscou, tandis que des militaires russes sont toujours sur place.

 

 

Assad doit partir!

Un nouveau cycle de «négociations de paix» a repris à Genève à la mi-mars, avec la participation du régime Assad et de l’opposition syrienne de la coalition, dominée par les forces libérales et le mouvement des Frères musulmans, mais sans la principale force Kurde du PYD (Parti d’union démocratique). Le scepticisme est néanmoins de mise, de plus le médiateur de l’ONU, S. de Mistura, a rappelé que «l’ordre du jour du processus est clair: premièrement des négociations en vue d’un nouveau gouvernement, deuxièmement une nouvelle Constitution, et troisièmement des élections parlementaires et présidentielle dans un délai de 18 mois».

En réalité, un départ d’Assad semble encore bien loin, alors qu’aucun changement du régime autoritaire, notamment de ses forces de sécurité, n’est à l’ordre du jour…

Le jeudi 17 mars, une entité «fédérale démocratique» dans les zones contrôlées par le PYD dans le nord du pays a été proclamée. A l’issue d’une réunion de plus de 150 représentant·e·s des partis kurdes, arabes et assyriens à Rmeilane, dans le nord-est de la Syrie, les participant·e·s ont voté en faveur de l’union des trois «cantons» à majorité constituée par des populations kurdes (Afrine, Kobané, Jazireh). Le régime Assad et la coalition syrienne ont tout deux affirmé leurs oppositions à cette annonce, tandis que Washington, malgré son soutien au PYD, a indiqué qu’il ne reconnaîtrait pas cette entité fédérale.

Tous les partis kurdes en Syrie appuient un système fédéral, mais certains réunis autour du Congrès National Kurde se sont opposés à cette annonce car, selon eux, elle doit faire l’objet de plus de discussions avec les acteurs arabes du pays qui pour une grande majorité y voient un pas vers le séparatisme et la division.

En outre, les politiques suivies par le PYD (refus du conflit envers le régime Assad, les exactions contre des civils arabes et le soutien à l’intervention militaire russe) augmentent les suspicions et l’opposition d’une partie des opposant·e·s syriens arabes. Cela étant dit, nous devons apporter un soutien inconditionnel à l’auto-détermination du peuple kurde en Syrie et ailleurs, tout en affirmant que c’est l’unité des peuples de Syrie, notamment arabes et kurdes, sur des bases démocratiques et inclusives qui permettra leur libération contre les forces du régime Assad et les mouvements islamiques fondamentalistes.

 

 

Avec les révolutionnaires

Les nombreuses manifestations populaires de ces dernières semaines, dans un pays écrasé par les bombes et la répression depuis cinq années, sont impressionnantes. Elles ont montré que les Syrien·ne·s libres sont prêts à saisir toutes les occasions, même un répit partiel des frappes aériennes, pour réitérer leurs revendications et proclamer les objectifs de la révolution.

Leurs slogans démocratiques et non confessionnels rappellent au monde entier, une fois encore, qu’il existe une alternative au régime d’Assad et aux forces salafistes djihadistes, les deux acteurs de la contre- révolution et les deux perdants de ces mobilisations. L’alternative, ce sont ces centaines de milliers de Syriens et de Syriennes libres: «cinq ans après le début de la révolution, le peuple veut toujours la chute du régime».

La solidarité internationale des organisations démocratiques et progressistes à travers le monde, qui fait tant défaut au peuple syrien, est plus que jamais nécessaire!

Joe Daher