Italie

Italie : Tentative de recomposition à gauche?

Du 19 au 21 février dernier s’est tenue à Rome la conférence #Cosmopolitica visant à lancer une nouvelle formation de gauche. Les réactions à ce processus constituant sont variées. Les plus grandes craintes se focalisent sur le fait que ce rassemblement risque de resservir le même plat (#LaStessaPolitica). Que l’on pense au personnel politique à l’affiche de ces journées: de Stefano Fassina (ex sous-secrétaire du gouvernement Monti), à Nichi Vendola (Sinistra Ecologia e Libertà, SEL) qui, il n’y a pas si longtemps, défendait envers et contre tous son alliance avec le Parti démocrate.

D’autres ont vu néanmoins dans ces trois journées de discussion une occasion à ne pas manquer au vu de l’urgence perçue d’une alternative politique à gauche. Notre rédaction s’est entretenue avec Christophe Aguiton (Ensemble, membre du Front de Gauche, Paris) qui a pris part à cette rencontre.

Peux-tu nous décrire le processus constituant de #Cosmopolitica? Quelles étaient les forces politiques invitées? Quelles étaient les sensibilités présentes dans le public?

Christophe Aguiton Le processus qui a abouti à cette conférence a été lancé par la liste Altra Europa qui s›est constituée en soutien à Alexis Tsipras pour les élections européennes de 2014. Celle-ci regroupait Rifondazione et SEL, deux formations issues de la crise de Rifondazione Comunista en 2008, ainsi que des militant·e·s aujourd’hui inorganisés, issus de Rifondazione et de différents mouvements sociaux. #Cosmopolitica a réussi à réunir à peu près tous les courants politiques de la gauche de transformation sociale en Italie, en y incluant des responsables syndicaux et associatifs.

Se sont joints à ces forces deux composantes issues de scissions des principaux partis politiques italiens, la plus importante provient du Parti Démocrate, avec des responsables et élu·e·s comme Cofferati, ancien secrétaire général de la CGIL (première centrale syndicale du pays), et la seconde, plus réduite, vient du Mouvement cinq étoiles de Beppe Grillo. Les militant·e·s des centres sociaux du Nord-Est étaient aussi représentés.

Monica Gregori

Plus de 3000 participant·e·s ont assisté à ces trois jours de débats où se sont exprimés, en plus des courants politiques mentionnés ci-dessus, les secrétaires des trois principales confédérations syndicales du pays ainsi que les responsables de plusieurs mouvements associatifs (Lega Ambiante, ARCI, etc.)

Une série de ces forces sont issues ou anciennement alliées du PD. Y a-t-il une claire rupture avec la politique menée récemment par ce parti? Si oui, quelles en sont les lignes de force?

La création de ce nouveau mouvement politique est avant tout une réaction à la politique de Matteo Renzi. Un programme accéléré de réformes néolibérales et une tentative de centraliser le pouvoir en supprimant les contre-pouvoirs, comme peut l’être le Sénat en Italie. Pour les participant·e·s, Renzi représente une rupture profonde avec les traditions et l’histoire de la gauche italienne, et même si des nuances se sont exprimées de la part de l’aile la plus modérée de SEL, la rupture semble clairement consommée.

Tous les participant·e·s à cette conférence ont ainsi décidé de se présenter aux élections municipales de mai prochain sans aucune alliance avec le Parti Démocrate et de se mobiliser pour dire non au référendum organisé cet automne pour réformer la constitution italienne dans le but de renforcer le pouvoir exécutif.

Au cœur du débat également la question de la dissolution des différentes composantes d’origine au sein de cette alliance. SEL, qui a conclu des alliances avec le PD dans le passé récent, obtenant ainsi un groupe parlementaire et de nombreux élu·e·s locaux, est la composante principale de ce nouveau regroupement. Il a décidé de se dissoudre pour éviter toute inquiétude sur le poids qu’il pourrait représenter. Rifondazione Comunista et les principaux animateurs de la liste Altra Europa insistent sur la nécessité de construire un «sujet politique unique, mais pluriel». C’est évidemment sur le sens du terme «pluriel» que les désaccords se concentrent.

Tous sont d’accord pour que le nouveau mouvement soit fondé sur l’adhésion individuelle, mais les avis divergent quant au maintien des composantes d’origine. Un désaccord qui se combine sans se confondre avec des sensibilités politiques différentes, certains intervenants mettant en avant l’exemple de la coalition large de la gauche portugaise, alors que d’autres insistent sur le modèle espagnol et la capacité de rupture des listes à Barcelone et dans d’autres municipalités.

Mais tous les participant·e·s à #Cosmopolitica étant impliqués dans la constitution de listes indépendantes de gauche aux élections municipales de mai, et surtout dans la campagne pour le non au référendum sur la révision constitutionnelle d’octobre prochain, c’est la réussite de ces initiatives qui déterminera l’ampleur du regroupement à venir, après les échéances de 2016, lors d’un congrès constituant prévu en décembre.

 

Il y a climat international à la convergence de forces antilibérales de gauche, qui s’est dessinée autour de Syriza avec un premier échec, autour de Podemos, mais aussi de Corbyn ou de Sanders… Peut-on voir des analogies avec ces phénomènes?

Il y a clairement des analogies entre toutes ces tentatives, et les invités internationaux à #Cosmopolitica en étaient le reflet (Bloc de Gauche, Podemos, Syriza, HDP turc). Les contextes nationaux sont évidemment différents, et il est clair que les mouvements italiens n’ont pas été aussi dynamiques ces dernières années que ce que l’on a pu voir en Espagne, par exemple. Mais les débats sont partout assez similaires, comme on peut le voir dans les quatre exemple que tu mets en avant… ou chez les participant·e·s à #Cosmopolitica.

Propos recueillis par Stefanie Prezioso