Face au duo Blocher-Metzler: résignation non! résistance oui!

Face au duo Blocher-Metzler: résignation non! résistance oui!

L’initiative xénophobe de l’UDC «contre les abus du droit d’asile» a été rejetée en Suisse par moins de 3000 voix.. Certes, elle était donnée gagnante dans les sondages des semaines précédant le vote, mais l’UDC du milliardaire Blocher sort politiquement victorieuse de la bataille, malgré le fait qu’elle n’ait pas remporté la majorité.


Comme le dit Blocher «pour l’UDC c’est la meilleure chose qui ait pu arriver.» Il précise: «Si elle avait été acceptée, cela aurait été difficile pour le parti, car nous n’aurions pas eu les moyens de la faire appliquer correctement…»1 Au lendemain du vote le président de l’UDC Ueli Maurer, confirme en annonçant qu’il «n’engagera pas de procédure pour demander le recomptage» des bulletins2, alors que celui-ci donnerait de bonnes chances de faire constater l’aboutissement de l’initiative.

Mission accomplie


En effet, l’UDC ne veut pas l’adoption de son texte. Celui-ci, rédigé par le même spécialiste du droit – ou du non-droit – des étrangers que le projet du Conseil fédéral pour durcir de la loi «sur l’asile», a rempli sa mission. Celle bien sûr de permettre à l’UDC de claironner qu’elle a «réuni sous sa bannière» bien plus d’électeurs/trices que sa «part électorale»3, celle de lui permettre de poser abusivement en parti d’opposition «populaire», mais surtout celle de légitimer la politique de démantèlement du droit d’asile du gouvernement. Le projet de celui-ci, qui ne s’écarte que d’un cheveu de l’initiative UDC, a évidemment servi en retour à légitimer les propositions honteuses de l’UDC.



Globalement, il y a consensus du côté des dominants: le droit d’asile: c’est fini! Ce qui ne signifie pas – au contraire – qu’on se privera de la main d’œuvre corvéable à merci, sans droits aucuns et soumis à une surexploitation qui rapporte gros, constituée par les immigré-e-s, sans statut, à défaut d’être tous sans papiers.

Metzler appliquera…


Les réactions au vote sont édifiantes. La conseillère fédérale PDC Ruth Metzler réitérera que l’initiative pose «de bonnes questions» et que le problème serait l’applicabilité du texte UDC. Mais cette application, elle en fait précisément son affaire. Elle veut «mettre les bouchées doubles pour répondre aux soucis exprimés» et appelle à «mobiliser contre les abus toutes les ressources du droit pénal et toutes les possibilités des cantons»4 Elle vitupère les cantons réfractaires – qui sont ceux où l’initiative de l’UDC a été le plus battue – pour qu’ils «mettent véritablement en vigueur» toutes les rigueurs de la loi fédérale. Et elle a de suite demandé à l’Office fédéral des réfugiés de lui «indiquer toutes les modifications administratives et organisationnelles qui pourraient améliorer la lutte contre les moutons noirs et accélérer les renvois…»



Parlant de Noirs, le patron de ce même office, Jean-Daniel Gerber s’illustrera dans la foulée du vote, expliquant le résultat notamment du fait que. «En Suisse romande, les gens sont peut être habitués à voir des Noirs. En Suisse orientale, c’est très différent…» Et en saluant le résultat en affirmant que: «Si les résultats sont confirmés nous avons gagné sur la loi sur l’asile.»5 Evoquant la proposition de «camps d’internement» émise il y a peu par le PDC lucernois Dürrer, le même soutiendra que «Bien sûr nous pouvons nous poser des questions sur ce genre de propositions…» et confirmera sans états d’âme que Metzler lui a demandé de «réfléchir à de nouvelles mesures urgentes à prendre» qui pourraient consister à faire entrer en vigueur «plus tôt» des mesures inscrites dans le projet de loi sur l’asile!



Le ministre radical Couchepin, qui n’a pas hésité à se servir du souffle xénophobe de l’initiative pour faire passer son projet de démantèlement de l’assurance chômage6 se montre triomphant, évoquant une «victoire du Conseil fédéral» et saluant l’UDC comme «une force légitime en Suisse»7, comme était sans doute légitime, à ses yeux, le soutien à l’initiative UDC de sections entières de son parti!

PSS: vers un durcissement «proportionné»?


Ainsi, l’UDC se frotte les mains et se montre «constructive»: «Il y a beaucoup à faire et les prochaines révisions des lois sur l’asile montreront si les autres partis bourgeois sont prêts à soutenir les revendications de l’UDC8 Une question rhétorique: la réponse est OUI, des deux mains!



Le PSS quant à lui n’appelle – évidemment – pas à la résistance. Sa présidente Christiane Brunner déclarera qu’il n’y a «pas de progression de l’impact de l’UDC, mais une progression des solutions extrêmes.» Une manière de labelliser comme «extrême» l’initiative UDC, pour dédouaner le projet de loi du Conseil fédéral, voire la solution «extrême» qui consisterait à vouloir le combattre? En tout cas ce n’est pas cette dernière option qu’annonce le PSS dans son communiqué9. On y lit «Le fort soutien à l’initiative manifeste un malaise largement répandu à l’égard de la politique d’asile» , ceci comme en écho au communiqué UDC qui proclame «le malaise dans la population est grand». Le PSS écrit ensuite certes que «ce malaise est le symptôme d’une crise plus profonde….» Mais de quelle «crise» parle-t-on? En effet pour le PSS «Ce malaise doit être entendu. Il faudra convaincre les personnes qui ont suivi l’UDC qu’il n’y a pas de solution aux problèmes posés sans une étroite coopération avec nos partenaires en Europe.» Quand on voit le durcissements de la politique d’asile la mise en œuvre systématique d’une politique répressive à l’égard des immigré-e-s dans la Forteresse Europe, on voit où conduit cette voie. Procès d’intention? En tous cas, pour ce qui est du clone de l’initiative UDC qu’est la loi sur l’asile bien helvétique, on lit sous la plume du PS que «par maints aspects, elle essaye de répondre au malaise qui s’est manifesté face à l’asile à l’occasion de cette votation.» Il faudrait juste qu’elle ne soit pas «trop dure», puisque le résultat du vote «n’est pas un blanc-seing pour un durcissement disproportionné de la loi sur l’asile» et en tous cas le PSS «cherchera à renforcer sa concertation avec le parti radical et démocrate-chrétien» pour aller vers des solutions «réalistes et constructives».

Des voix d’en bas!


Au soir du vote, le réalisme n’était-il pas plutôt du côté de ces manifestant-e-s – jeunes pour la plupart – qui se sont réunis dans les rues de Genève pour crier «Exilés sans papiers Citoyens du monde entier!», pour dénoncer dans un même souffle les Blocher-Metzler-Couchepin …et pour affirmer l’esprit de résistance, celui qui a pu faire battre l’initiative de l’UDC à Genève à plus de 60%? Ce n’est probablement pas l’avis de Christiane Bruner, qui les a croisés au pied de la tour de la TV et qui n’a pas cru utile de se mêler à eux…


Pierre VANEK

  1. Interview dans Le Temps du 25.11.02
  2. Temps 25.11.02
  3. Communiqué UDC du 24.11.02
  4. Tribune de Genève du 25.11.02
  5. Interview dans la Tribune de Genève du 26.11.02
  6. V. l’édito de notre dernière édition No 16 sur www.solidarites.ch
  7. Le Matin du 25.11.02
  8. Service de presse UDC du 25.11.02
  9. Communiqué PSS du 24.11.02