Solidarité avec le peuple syrien

Solidarité avec le peuple syrien : Contre les djihadistes et les bombardements impérialistes

Suite aux attentats terroristes du 13 novembre à Paris, l’Etat français a bombardé la ville de Raqqa, déjà martyrisée par Daech (EI) depuis le 15 novembre. Ces frappes se sont intensifiées et reposent sur un dispositif de 3500 hommes, appuyés en Méditerranée orientale depuis le 23 novembre par le porte-avion Charles-de-Gaulle, qui multiplie par trois leurs capacités d’action. D’autres Etats occidentaux, dont l’Angleterre et l’Allemagne, ont aussi rejoint la France dans sa «guerre contre l’EI» en Syrie, au sein de la coalition internationale menée par les Etats-Unis.

Les attentats de Paris ont aussi provoqué un rapprochement franco-russe : dès le 26 novembre, ces deux pays annonçaient qu’ils allaient «coordonner» leurs frappes contre Daech en Syrie, intensifier leurs échanges d’informations pour ne pas cibler les forces «qui luttent contre Daech», en particulier l’Armée Syrienne Libre (ASL), opposée au régime syrien et à l’EI. Pourtant, selon le Centre pour la documentation des violences en Syrie (VDC), depuis le début des opérations russes, le 30 septembre dernier, 80 à 90 % des frappes visent des zones non contrôlées par l’EI : elles ont tué 520 civil·e·s, détruit des hôpitaux, des boulangeries industrielles, des réserves d’eau potable, des marchés populaires etc., forçant quelques 100 000 personnes à quitter leurs habitations… Moscou semble certes cibler davantage les djihadistes depuis les attentats de Paris, mais le gouvernement russe continue à frapper des groupes de l’ASL, des infrastructures et des populations civiles.

 

 

Cette entente impérialiste « contre le terrorisme » de l’EI n’a cependant pas réduit les rivalités et les désaccords entre les différents intervenants régionaux et internationaux, comme l’atteste la destruction par l’aviation turque d’un bombardier russe à la frontière syrienne, le 24 novembre dernier. La Russie a réagi en intensifiant ses bombardements le long de la frontière, notamment sur les points de passage de Azaz et Bab al-Salama, afin d’empêcher le trafic de convois. But visé : interdire toute présence de l’opposition au régime de Damas dans la région, notamment des groupes islamistes soutenus par la Turquie. Si ces bombardements se poursuivent avec la même intensité, ils pourraient avoir des conséquences humanitaires dramatiques, cette zone frontalière abritant plusieurs centaines de milliers de déplacé·e·s internes qui dépendent largement du commerce transfrontalier et de l’aide humanitaire venant de Turquie.

En dépit de leurs rivalités, les interventions impérialistes partagent un même objectif : liquider le mouvement révolutionnaire initié en mars 2011, stabiliser le régime de Damas en maintenant à sa tête (pour combien de temps ?) son dictateur, et tenter de vaincre militairement l’EI. Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a ainsi déclaré le 5 décembre qu’il n’envisageait plus le départ de Bachar al-Assad avant la mise en place d’une transition politique en Syrie, ajoutant que «la lutte contre Daech est décisive, mais ne sera totalement efficace que si l’ensemble des forces syriennes et régionales s’unissent». De son côté, la Russie a livré des chars ultra-modernes T-90 au régime syrien pour appuyer la progression de ses troupes au Sud d’Alep.

Comme le disait un activiste de la ville de Raqqa après les attentats du 13 novembre, la ville est «devenue une étape dans la vengeance internationale», ajoutant que «si un avion explose au-dessus de l’Egypte, Raqqa est bombardée, si un avion jordanien est abattu, Raqqa est bombardée, si des attentats ont lieu à Paris, Raqqa est bombardée». Un autre militant de Raqqa exprimait aussi sa frustration suite aux premiers bombardements britanniques en affirmant que cela ne changerait à rien à la situation sur le terrain, et que les puissances occidentales oubliaient qu’il y avait encore quelques 500 000 civil·e·s dans cette ville. Le 7 décembre, des dizaines d’habitant·e·s ont péri sous les bombes de la coalition à al-Khan, un village du Nord-Est du pays, dont la périphérie était contrôlée par l’EI.

 

 

Les aspirations du peuple syrien en lutte sont méprisées. Ainsi, dans la petite ville de Burkmal (à l’est de Deir Zor), occupée par l’EI, la résistance n’a cessé d’augmenter ces dernières semaines, s’exprimant par des manifestations et des actes symboliques (pose du drapeau de la révolution syrienne sur le toit d’une école). Une opposition armée, liée à des groupes révolutionnaires, s’est aussi manifestée, parvenant récemment à exécuter quatre combattants de l’EI. A Minbej, dans la campagne d’Alep et ses environs, le peuple est aussi descendu dans la rue pour protester contre la répression de l’EI. Dans la ville de Raqqa et la province de Deir Zor, un commando de l’ASL, « Linceul blanc », multiplie aussi les attaques de guérilla contre les unités de l’EI.

Mais que pouvons-nous donc faire ? Avant tout, appeler à l’arrêt de toutes les interventions étrangères qui n’amènent que mort et destruction, et renforcer notre soutien aux peuples en lutte dans la région contre les différents visages de la contre-révolution, pour la démocratie, la souveraineté nationale et la justice sociale.

Joseph Daher