Une victoire pour les femmes?
Une victoire pour les femmes?
Le cas Hani Ramadan soulève effectivement une multitude de questions sur la liberté dexpression, sur linstitution scolaire genevoise, sur le système patriarcal et sur les conditions sociales catastrophiques, terreau idéal pour tout extrémisme simpliste et réactionnaire.
En préambule, il est important de rappeler que le débat engagé à solidaritéS ne se situe pas sur le contenu des propos de Ramadan – jugé abject par toutes et tous et devant être combattu inlassablement -, mais sur la décision des autorités scolaires genevoises et, pour élargir le débat, sur lattitude des membres et sympathisant-e-s à légard de ce type de propos et de leurs auteurs. Il me semble quil est primordial de laisser les considérations affectives et intimes hors du débat pour arriver à une position politique cohérente.
Ramadan a profité de la tribune qui lui était offerte dans «Le Monde», et non dans ses classes et face à ses élèves, pour exprimer son opinion sur la Charia et pour donner quelques préceptes que doivent suivre les Musulmans. Il écrit sur le sida et sur la lapidation, en justifiant la condamnation de deux femmes nigérianes. Il est important de rappeler toutefois que la lapidation est un châtiment prévu pour les deux sexes. Il se trouve quil est effectivement appliqué prioritairement à lencontre des femmes. Est-ce la seule conséquence de lapplication de la Charia ou également le résultat de la mainmise masculine et le fonctionnement patriarcal en vigueur dans toutes les sociétés monothéistes? Nous vivons donc dans une société patriarcale, qui, si elle napplique pas la lapidation, perpétue linégalité salariale, linaccès à certaines professions, les violences sexuelles et le non partage des tâches familiales et ménagères. La lapidation nétant que lexpression la plus barbare de ce système patriarcal. Que ce soit la lapidation ou les autres violences faites aux femmes, elles diminueront seulement lorsque le droit de vivre dignement sera garanti à toutes et tous.
Il ne faut pas oublier que lislam le plus extrémiste a sa place dans les milieux défavorisés, il se trouve présent là où les pouvoirs publics ont démissionné. Cest à nous de lutter pour de vrais droits sociaux partout et sans condition si on ne veut que de telles idéologies navancent sur un terreau fertile. Cest la vraie lutte sociale que nous arriverons à juguler cette propagation extrémiste.
Je minterroge également sur la fragilité de lécole genevoise qui fait le choix de lexclusion dun enseignant, plutôt que de le contester de lintérieur et de lavoir sous contrôle. Le Conseil dEtat ne se base pas sur déventuelles plaintes délèves ou de parents, puisquà notre connaissance il nen existerait pas. Ne laissons pas au pouvoir bourgeois ce pseudo combat contre lislamisme, il ne faudrait pas perdre de vue quil est actuellement de bon ton de frapper fort contre les musulmans de toutes tendances, sans une efficacité redoutable par rapport aux plus durs dentre eux. Il est clair quune part importante dans cette décision relève dun opportunisme politique soigneusement calculé. Est-ce quune égalité de traitement aurait été assurée con-tre des enseignants tout aussi «dangereux», mais plus politiquement et culturellement corrects? Si le Conseil dEtat voulait effectivement lutter contre le sexisme ne sy serait-il pas pris autrement?
Que ferons-nous si la suspension est définitivement prononcée? Serons-nous assez naïfs pour croire que, Ramadan absent de lécole, son engagement intégriste sera moindre? Ou serons-nous actifs contre ces opinions lorsque Ramadan sera seul maître à bord du Centre islamique des Eaux-Vives? Quelle place offrirons-nous aux musulmans progressistes? Les soutiendrons-nous dans leur volonté douverture et dexistence? Quelle attitude adopterons-nous envers les immigrés arabo-musulmans? Cest dans ces directions que notre réflexion et notre action seront sûrement orientées. Les réponses que nous trouverons, devront être différentes de celles de la bourgeoisie, quitte à faire exploser la paix sociale, sinon nous navons aucune raison dexister en tant que mouvement dextrême gauche.
Marie-Eve Tejedor