Des milliers de maçons quittent les chantiers et prennent la rue

Du 9 au 11 novembre dernier, à l’ombre des châteaux de Bellinzona ou sur le pont du Mont-Blanc à Genève, on pouvait voir les mêmes visages et la même rage. Les maçons de Suisse ont lancé le premier round de mobilisations pour aviser les patrons qu’il n’est pas question de maintenir en l’état la Convention nationale (CN), clairement défavorable aux travailleurs.

 Si l’on comprend bien  pourquoi le statu quo est défendu par la Société suisse des entrepreneurs de la construction, alors que les profits des entreprises ne cessent d’augmenter tandis que le nombre d’accidents reste dramatiquement haut, il n’est pas question pour les travailleurs de maintenir la CN dans de telles conditions.

A ces problèmes s’ajoutent les difficultés actuelles pour financer la préretraite. La proposition syndicale d’un financement supplémentaire, pris en charge à 50 % par les travailleurs, a été balayée par l’organisation patronale. Il ne restait donc aux maçons que deux options : plier la tête ou croiser les bras, ils ont largement choisi la deuxième.

 

 

La première journée de grève s’est déroulée le 9 novembre au Tessin.

La participation a été très forte, avec 80 % des chantiers fermés et 2500 travailleurs et personnes solidaires en cortège. Outre les revendications liées à l’amélioration de la CN, l’assemblée a votée une résolution stigmatisant «les manœuvres déplorables qui, avec un succès modeste, ont essayé d’empêcher les travailleurs de manifester pour leur dignité».

 

 

Le 10, c’était au tour des ouvriers de Suisse alémanique de poursuivre la mobilisation.

La modération choisie par les directions régionales d’UNIA et SYNA n’a pas convaincu les masses. Les syndicats insistaient pour que l’on ne parle pas de « grève » – les travailleurs ayant fait usage de leurs heures supplémentaires pour participer aux mobilisations – et seuls 100 chantiers se sont arrêtés et la manifestation à Zürich a réuni moins de monde que celle de Bellinzona.

 

 

Mais mercredi 11 novembre, profitant de l’élan donné par les salarié-e-s du secteur public en grève dès la veille, les panneaux « en grève ! » ornaient la grande majorité des chantiers genevois.

La rumeur dit que les patrons qui avaient menacé de représailles leurs travailleurs auraient trouvé leurs portes verrouillées par des chaînes et des cadenas. Après avoir occupé le pont du Mont-Blanc durant plusieurs heures, des milliers de maçons ont défilé avec les fonctionnaires, avant de terminer en assemblée sur la Plaine de Plainpalais. Des mobilisations réunissant plusieurs centaines de travailleurs ont eu lieu le même jour à Neuchâtel et dans le Jura.

Le caractère national et offensif, la participation importante dans les régions latines ainsi que la présence de militant·e·s politiques sur les piquets de Genève – dont des camarades de solidaritéS – et du Tessin laissent bien présager pour l’avenir.

Une dynamique positive qui devra se concrétiser dans la suite des mobilisations, en particulier lors de l’assemblée des maçons prévue à Genève le 10 décembre et qui pourrait se transformer en grève prolongée. Des succès qui risquent toutefois de se limiter aux régions latines, où les travailleurs dans les rues ont été bien plus nombreux et où, comme par hasard, la gauche de la gauche est plus présente dans les appareils syndicaux.

Marie Nozière