«Pour une autre Italie»: une manif & un film

«Pour une autre Italie»: une manif & un film


Finalement, le mois culturel «Italie 2002» à la Chaux-de-Fonds s’est déroulé sans problèmes. Rien ne le garantissait: en décembre 2001, la presse révélait que les organisateurs y avaient invité le ministre des Italiens dans le monde, Mirko Tremaglia1. Cela, malgré son passé de milicien fasciste en 1943-19452.



La possible venue de Tremaglia a suscité les protestations de plusieurs mouvements et partis neuchâtelois. Sans oublier des membres de la communauté italienne3, restés réfractaires à la mode du révisionnisme historique4. En avril 2002, des opposants ont rencontré le président de la ville et le responsable du «Conseil général des Italiens de l’extérieur» (CGIE) pour les rendre attentifs à deux points: le mois culturel italien n’était pas contesté; l’opposition ne visait pas uniquement Tremaglia, mais l’actuel gouvernement (dont nous considérons la politique présente aussi répugnante que le passé de Tremaglia).La discrétion des promoteurs du mois culturel était inquiétante, bien qu’ils aient annoncé en juin la non-venue du ministre. Force fut donc d’envisager divers scénarios, y compris que le MSI-nistre Tremaglia – sorti en fanfare par la porte – ne rentre subrepticement par la fenêtre5…



Un comité «Pour une autre Italie / Per un’altra Italia» – ouvert aux personnes et associations solidaires avec la résistance contre le gouvernement Berlusconi/Fini/Bossi – s’est constitué en septembre 2002. Il a organisé le 18 octobre un piquet de solidarité avec la grève générale menée en Italie contre la prétendue «réforme» du code du travail. Une cinquantaine de manifestant/es ont bravé une météo très inclémente pour écouter Vitaliano Menghini, président de solidaritéS-NE et militant historique de la Colonia Libera Italiana, et Cédric Dupraz, conseiller général POP au Locle, ainsi que les chansons du groupe Terzada (dont la «Ballata della Fiat», appropriée aux circonstances). Le samedi 19 octobre, au cinéma ABC, a été projeté le film «Moltitudini: i giorno del G8»6, avec la présence de son coordinateur, Osvaldo Verri.



Même limitée, cette action a permis d’établir – ou de rétablir – des contacts entre militant/es suisses et italien/nes (qui n’ont pas considéré l’affaire soldée avec la non-venue de Tremaglia). Osvaldo Verri, qui a visité la coopérative «Espace Noir» à Saint-Imier, envisage un film sur l’histoire du mouvement ouvrier dans la région. Enfin – et il s’agit là d’un acte de salubrité publique –, la mobilisation de ces derniers mois a permis d’empêcher la présence d’un représentant du gouvernement italien.



Hans-Peter Renk

  1. Cf. «Un enfant de Salo à la Tchaux», solidaritéS, no 3 (7.2.2002).
  2. Argument «fort»: le gouvernement italien a été élu démocratiquement…
  3. ATTAC-NE, le POP, solidaritéS/NE, ainsi que le PS de la Chaux-de-Fonds (présent à l’entrevue d’avril) et des membres de la communauté italienne (notamment des CLI)..
  4. Cf. De Felice, Renzo. Mussolini. – Torino: G. Einaudi, 1965-1998. Des notables d’«Alleanza nazionale» demandent la révision des manuels scolaires.
  5. D’où une question au Conseil d’Etat sur son attitude en cas de présence de Tremaglia, émanant du groupe POP/ECO/SOL.
  6. Rappelons que l’action des policiers, qui ont assassiné Carlo Giuliani et tabassé les manifestant/es arrêté/es le 21 juillet 2001 à l’Ecole Diaz, était coordonnée par le vice-premier ministre Gianfranco Fini (qui paradait récemment sur l’arteplage d’Yverdon…)

Le Conseil d’Etat aurait reçu Tremaglia!


«Nous n’avons pas connaissance de sa venue. Dans le cas contraire, nous l’aurions accueilli avec les honneurs qui reviennent aux personnes de son rang», a répondu en octobre 2002 le libéral-PPN Pierre Hirschy, au nom du Conseil d’Etat, à Marianne Ebel, députée de solidaritéS/NE, qui avait relayé les inquiétudes du comité «Pour une autre Italie».



Cette réponse outrage les valeurs (non cotées en bourse…) pour lesquelles ont lutté les républicains neuchâtelois d’avant 1848 et les activistes du Front anti-fasciste dans les années 30 (dont Georges-Henri Pointet, auquel notre ami Daniel Künzi a consacré un film). Mais n’oublions pas qu’à ses débuts (1857), le parti libéral recyclait dans la politique locale les royalistes d’avant la contre-révolution manquée de septembre 1856. Sans préjudices d’épisodes ultérieurs tout aussi peu glorieux…



Par ailleurs, nous suggérons aux conseiller/es d’Etat membres du Parti socialiste de lire «Le Corset de fer du fascisme», publié en 1935 par Paul Graber, dirigeant historique du PSN. Disponible dans les bibliothèques publiques de la Chaux-de-Fonds et de Neuchâtel, cet ouvrage mériterait une réimpression. L’urgence est demandée… (hpr)